Le silence des agneaux – Tomas Harris

– Ne vous approchez pas. Contentez-vous de lui poser vos questions.
– Ok.
– Je vous ai dit de ne pas vous approcher ?
– Quatre ou cinq fois.
– Hum. J’avais raison, ne vous approchez pas.
Le petit directeur qui me parle, est un ancien premier ministre, membre de l’Omp, le docteur Fillton. C’est un médecin calme, aux cheveux grisonnant et au regard chafouin. Il met en confiance. Toutefois, je reste sur mes gardes, car il est tendu : personne n’est plus venu voir sans dangereux prisonnier depuis des décennies. Et il en a perdu l’habitude.
Pour preuve, il me fait face et m’empêche d’avancer.
– Je peux ?
– Ah oui, pardon. mais… NE VOUS APPROCHEZ PAS !
– J’ai pigé.
J’avance dans le couloir sombre. À gauche, le mur de brique peint en noir pour donner un aspect lugubre, aspect renforcé par les fenêtres couvertes d’un plastique épaississant. À gauche, les cellules. Dans la pénombre, impossible de voir qui s’y trouve.
Dans l’une d’elle, un mec chuchote en boucle une phrase incompréhensible (Clarisse, je sens ton chien). J’arrive à la dernière cellule, vitrée, munie d’un passe plat.
Une chaise lui fait face.
Je m’assois dessus, croisant les jambes.
– Monsieur ? Monsieur ?
– On m’envoie un jeune stagiaire… commence le prisonnier.
– Non, je suis auteur…
– Un rêveur vivant sous le seuil de pauvreté. Intéressant.
– Ouais hein. En fait, le département de la protection des valeurs républicaines m’a demandé de vous faire passer ce test.
– Un test ? Vous venez pour me faire passer un test ? C’est une plaisanterie ?
– Pas du tout, nous enquêtons sur de nouveaux méfaits, et votre oeil… différent pourrait nous aider… Le test est une excuse.
– De plus en plus intéressant. Que fait votre criminel ?
– Il colle des oreilles de Mickey sur tous les symboles républicains : des statues, aux drapeaux, des peintures dans les musées aux frontons des mairies de village. On l’a surnommé… The Spirit of Mickey.
– The spir…
– The SpoM comme disent les journaleux.
– Faites voir des photos.
Je les lui envoie par le passe-plat.
Il s’empourpre en les découvrant.
– Ce gars ne mérite que la chaise électrique.
– Ouais enfin, il ne porte atteinte qu’aux symboles républicains, comme vous l’avez fait en votre temps…
– Keuah ! lâche-t-il aveec un accent tout Devillieresque. JE N’AI JAMAIS PORTÉ ATTEINTE AUX SYMBOLES RÉPUBLICAINS !
Je baisse la tête.
– J’AI TOUJOURS DÉFENDU MA PATRIE !
Je baisse encore plus la tête.
– JE l’AI PROTÉGÉE DE TOUT CE QUI LA MENAÇAIT !
Il reprend sa respiration, retrouve d’un coup son calme, prouvant s’il y avait besoin, qu’il est un psychotique bipolaire.
– « Tous à poil » était une hérésie. Une incitation au nudisme irrespectueux.  Tout le monde le savait. Et les Schtroumphs, qui n’avait pas vu : une schtroumpfette pour mille schtroupmfs. Une apologie de la partouze, qu’on retrouvait dans les plus sordides caves de nos citées ! N’avez-vous jamais regardé les Schtroumpfs ?
– Je crois, c’est possible.
– Aviez-vous, durant un épisode, une érection ?
– Je crois pas… mes plus lointains souvenirs remontent à la Cocogirl…
– La Cocogirl c’était culturel ! Alors que Babar, ce zoophile… Et Dora l’exploratrice, l’exploratrice de quoi au juste ? Personne ne s’était posé la question, jusqu’à ce que je découvre qu’elle répétait trois fois les phrases commençant par un K ! Une raciste ! Une fasciste ! Ha ha !
– Peut-on en revenir au SpoM ?
– Va faire du Scidre avec tes Spoms ! Je te parle du complot jamais révélé ! Les oeuvres pour enfants passaient toutes un messages dissidents, visant à les corrompre ! « Faire sur le pot », on voyait des fesses ! « Le zizi », des gros plans obscènes sur des parties génitales ! Émilie, dont on ne voit jamais les parents, une incitation à la révolution, au meurtre ! Et MINILOUP ! CE CAMPAGNARD GAUCHO ! ET ZOO ! CE PETIT BOURGEOIS, ENFANT DOUTEUX AUX MULTIPLES PARENTS, DONT CERTAINEMENT DES PDS !
Conscient d’avoir réactivé sa folie, je me lève, toujours les yeux baissés, et recule doucement jusqu’à la porte de la sortie.
Le docteur Fillton me lance un regard désapprobateur :
– Vous avez ravivé ses délires paranoïaques. Il va poursuivre ses diarrhés verbales pendant au moins une semaine.
– Au moins, dis-je, depuis qu’il est derrière les barreaux, il n’abime plus personne.
Le docteur croise les bras.
– C’est vrai. Depuis qu’il est là, ça nous fait des vacances…
– Je suis désolé.
– Pas de soucis. Je vous laisse repartir, vous connaissez le chemin.
– Oui, merci.
– Et pour vos histoires de Spom ?
– Nous avons une piste, deux anciennes femmes d’un président au nom du pays du fromage, qui par vengeance se seraient alliées. Mais rien n’est sûr.
– Bon courage alors.
– Au revoir.
Et tandis que je quitte le docteur, je perçois toujours les hurlements de Jean François :
– ET LES COMPTINES ! TOUTES DES SALOOOOOOOOOOOOPES !

Faut-il le lire ?

Tout le monde connait le silence des agneaux. Anthony Hopkins ayant interprété un rôle inoubliable, dans une histoire incroyable de serial killer… ajoute ici le qualificatif le plus boulversifiant qui existe et qui finit en « able ».
Bref, un monstre.
Un truc que beaucoup aimerait écrire.
Mais plus précisément sur le livre, bien… comment dire, j’ai pigé pourquoi le film avait obtenu l’oscar de la meilleure adaptation : ils sont identiques. Presque à la virgule près. Du coup, le livre nous propulse dans le film, et inversement.
Du coup, quel plaisir reste-t-il à le lire ?
Le style ? Il est assez classique. Peu de folie, plutôt efficace.
La narration ? Elle s’attarde sur les mêmes scènes que le film.
La mise en page ? Times, 10, justifié, classique.
L’objet livre ? Pour les fétichistes, ouais.
Au final, peu d’intérêt. Mais quand même, c’était plaisant de retrouver l’oeuvre originelle.

Ps : Nous sommes entourés de fous dangereux, prêtez l’oreille, pour les déceler. Et sauvez-vous !

Une réflexion sur « Le silence des agneaux – Tomas Harris »

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