Réflexions du jour

######## Parental Advisory : Slow Reading and Dumb Content ########

Pendant que certains s’interrogent sur Bagdad, sur la montée du racisme en Europe, sur la crise économique, politique ou social de l’univers capitaliste, sur l’islam, sur Jean Marie, sur la France, la Suisse, et donc, sur la qualité de l’arbitrage de ce soir, autrement dit sur toutes les questions qui angoissent les habitants de cette planète, parlons d’un sujet qui n’a rien à voir.
Pourquoi ?
Parce que c’est important de se poser des questions de merde.
Tu me crois pas ?
Nan mais attends, quand Newton a pris la pomme sur la trogne, s’est-il demandé si elle était mûre, si Madame Newton pouvait en faire une chouette confiture ou si son tonton normand pourrait en faire du calvados ? Non ! Il s’est posé une question de merde : pourquoi est-elle tombée ?
(à l’origine, la question était « pourquoi est-elle tombée sur moi ???? » mais les physiciens virèrent vite le « sur moi » pour cacher combien Newton était égocentrique).
Donc, questions de merde.
Celle d’aujourd’hui n’en est pas une : c’est le rire à l’écrit.
Tu vois bien que ça n’en est pas une. Y a pas de point d’interrogation.

– Bon, Doc, qu’est-ce que le rire ?
– Et bien Marty, le rire est un comportement réflexe, exprimant généralement un sentiment de gaieté,de joie ou d’amusement, qui se manifeste par un enchaînement de petites expirations saccadées accompagné d’une vocalisation inarticulée plus ou moins bruyante.
– Wooo Doc, En fait, j’avais invoqué le pote de Difool, mais bon admettons. Donc Doc, c’est un peu sec comme défintion.
– Mais non. Ce réflexe part du ha ha ha au hi hi hi, voire au tchacha-chacha-chacha-chow !
– Les renards rigolent ?
– Qui sait…
Silence mystérieux.

A ce moment de l’article, je suis censé relancer avec quelque chose de malin. Hum. J’ai rien de malin. Poursuivons par une instrospection rapide, histoire de créer une empathie ente toi et moi.

Je ne suis jamais à l’aise pour écrire des trucs drôle, parce que… comment dire… à l’écrit, on ne sait jamais si un truc drôle est drôle. Parce que un truc drôle, ça repose sur une alchimie improbable : la narration, la chute, l’interprétation, la sensibilité de celui qui écoute, et donc doit rire, et le fait de le voir rire.
Le voir rire, c’est le moment angoissant qui révèle que ouais, ce qu’on a écrit, c’est poilant.
Sauf que jamais l’auteur voit le lecteur se marrer (à moins de pirater son poste et d’allumer la webcam discrétos, mais c’est un coup à finir dans Esprits Criminels ou les Enquêtes pas possibles).
Donc on n’en sait rien.
Tu me diras : « ouais mais c’est valable pour tous les sentiments ».
T’es chiant.
Ok, c’est valable pour tous les sentiments. Sauf que, j’ai suffisamment confiance en moi et en ma technique sioux pour provoquer en toi à peu près tout ce que je veux.
Exemple :
« Le bébé pleurait depuis un bon moment. John n’en pouvait plus. Tandis que Jenny dormait, il sortit du lit et attrapa son oreiller. Il n’était pas sûr de ce qu’il allait faire. Mais il en avait envie. Vraiment envie. »
Tu sens l’angoisse angoissante monter dans tes intestins ?
Ha ha !
Ou encore :
« Six mois auparavant, Jenny était nu sur le lit. Elle embrassait John sur le torse, lui mordillant le téton »…
Tu visualises je suis sûr. Peu-être même tu attends la suite tout émoustillé.
On peut même faire des super combo :
« Jenny monta sur John. Elle alla d’avant en arrière, gémissante. John, pour se contenir, imaginait son pote Wolfgang en slip de cuir, bedaine apparente, poil au vent, pour se retenir. »
Bim !
Dragon punch !
Deux images qui se superposent et te font passer de l’émoustillement à Wolfgang tout nu dansant devant toi. Fun hein ! Mais pas drôle…

Non, ça, c’est du WTF. What the fuck. Comprends, un truc incohérent, idiot, pour rigoler mais qui fait plus sourire que rigoler, parce que l’incohérence est juste quelque chose d’idiot et de non drôle. Le WTF est un exercice différent. Le WTF s’inscrit dans la folie. Dans la surprise.
La drôlerie s’empare du quotidien. Elle l’exagère, ou la met en scène pour en faire ressortir le grotesque. Mais rarement la drôlerie repose sur la WTF. Pouquoi ? Parce que le WTF fait sourire, et pas rire (je l’ai dit avant, tu suis ou quoi ?).

Reprenons, exemple type de tentative de drôlerie :
« Rentrer dans les toilettes, constater l’urine par terre, s’indigner, râler, puis abaisser sa braguette, commencer, entendre « clac », se retrouver dans le noir, lever la tête, pour voir l’ampoule, entendre « clac », voir l’ampoule se rallumer, baisser la tête, reprendre la satisfaction de son besoin de vidange, entendre « clac », se retrouver dans le noir, gigoter, « clac », reprendre, « clac », bouger, « clac », finir, « clac », remonter sa braguette, « clac », voir qu’on s’en est foutu partout, gueuler.

Con de système d’allumage automatique régler sur trois secondes. »

Au moment du point final, la vieille angoisse angoissante, bien pire que celle de john avec son coussin qui s’approche maintenant du berceau. Je ne sais pas si j’ai réussi. T’as souri ? Un peu ? Beaucoup ?

Attends, y a ça :
« Au restaurant, se chuchoter « cette vieille a une tronche de cujar » à propos d’une vieille accompagnée par un jeunot.
Et entendre sa fille crier :
– MAMAN, PAPA A DIT QUEU LA DAMEU C’EST UNE CUUJAAAR.

Epic fail… »

ou encore ça :
« Entrer dan le bureau des collègues, saluer celui qui y mange, s’approcher de la boite de gâteaux ouverte, en prendre un, faire signe à celui qui mange de ne rien dire, lécher le gâteau, le remettre à sa place, s’en aller, rigoler. »

ou ça :
« Se réveiller, se préparer, être en retard, se dépêcher, voir la pluie, ouvrir le placard, prendre un parapluie, celui de la petite, bleu, étroit, m’enfin qui est un parapluie quoi, s’élancer dans la rue, se protéger des gouttes, foncer, arriver sur le quai, attendre le train, voir une femme te sourire, puis une autre, monter dans le wagon, redescendre du train, sortir aux Halles, entendre des ouechs te siffler, voir un gros barbu te sourire,puis un grand barbu tout maig te sourire, puis un tout petit barbu, un peu rond, et te dire que la barbe, c’est trop partout, mais enfin, t’arrêter, chercher à comprendre ce qui se passe ce matin, vérifier ta veste, ton pantalon, tes chaussures, puis reprendre ton chemin quand trois militaires te balancent :
– Mignon le parapluie.
Le pencher, voir que le bleu, sous l’effet de l’eau, a cédé sa place à des nounours arc-en-ciel.
Se promettre de remercier l’ingénieur qui a eu cette brillante idée… »

Et un dernier pour la route :
« – Oh regarde, un petit chat !
– Mé Papa, il va se fér écraser !
– Mais non, le petit chat il est intelligent, il va…
SHBLAM !
– Papa, il é ou le piti chat ?
– T’o… t’occupes… »

Que constates-tu ?
1 – tu ne t’es pas uriné dessus (enfin normalement),
2 – tu as remarqué qu’ils ne sont pas aussi drôle les uns les autres,
3 – tu as constaté que j’utilise deux techniques.

Bon, le 1, je te laisse te démerder.
Pour le 2, c’est juste que la drôlerie est difficile à jauger. En écrivant, il est quasi impossible de détecter la puissance d’une blague. En tout cas, pour moi. D’où l’angoisse citée précédemment.
Pour le 3, oui, j’use d’une technique particulière. De deux en fait. Le dialogue et l’infinitif. Pourquoi ? Pour le rythme. Une blague, ça repose sur le rythme. Il s’agit d’accélérer continuellement pour atteindre la chute. Et la chute, c’est le moment conclutionnel (oui, oui, ce mot n’existe pas… enfin normalement) où tout ce qui a été mis en place durant la narration (cadre, situation, personnages) provoque la drôlerie.

La chute, c’est le moment le plus pire.

Et maintenant, que dire ?
Bin, juste que voilà, j’essaie de travailler sur une web série qui devrait être drôle, sauf que je n’en sais rien. En relisant les textes, j’avoue ne pas rire. En même temps, relire trente fois les mêmes blagues, ça finit par ne plus être drôle du tout.
J’hésite également à sortir un recueil de blagues. Parce que faire rire, au moment où se posent les questions du premier paragraphe, et alors que John est face au berceau, l’oreiller fermement en main, le bébé pleurant de plus belle, est un acte d’amour vrai.
Saint Werber a dit : « Je crois qu’en écrivant des trucs noirs, on salit le lecteur. Alors qu’au contraire, en écrivant de belles choses, on le nettoie. »
Sans être un Werberien convaincu, je pense que te faire marrer, c’est te faire oublier tout ce qui te gonfle dans cette vie. C’est là qu’est l’amour : c’est de la générosité pure. Tu ries. Tu te sens mieux. Tu te dis que putain, il est con ce ianian, et puis tu embrasses ton/ta/tes compagnon(s), tu sors ton chien, tu redécouvres ton quartier, tes voisins, le soleil, la petite vent matinale et…
Tu te fais bouffer par un zombie.

Ok, une fin de merde. Mais une fin heureuse.

Voilà.

Ecrire des trucs drôles, c’est horrible. Et j’invite tout le monde à ne SURTOUT pas se lancer dedans. A moins de vouloir finir dépressif.
Mais en même temps, il parait que ce sont les dépressifs qui sont le plus drôle…

Ps : John posa sa main sur le front du bébé, il était fiévreux. La crève qu’il avait chopé l’empêchait de respirer, d’où ses pleurs incessant. John glissa son oreiller sous le petit corps. Il posa la main sur la poitrine du nourisson, jusqu’à ce que le petit, rassuré, se rendorme. Il attendit encore quelques instants. Il repensait à tout ce qu’il avait vécu pour en arriver là. Et à tout ce que promettait ce petit être.
Ils allaient se marrer, il en était certain.

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