Homo Superior

## Avertissement : ceci est une fiction fictionnelle, sauf pour les parties véridiques. Fan, kiffez ! (ou pas) ##

Je suis né à Melun, dans une maternité qui valait ce qu’elle valait. Paraît qu’avant, elle était pas mal, puis avec le temps, elle est devenue craignos. On pourrait faire le parallèle avec Melun. Ma grand-mère en parlait comme une ville marrante, elle y avait plein de copains, des ouvriers comme elle, des gens normaux, qui se rendaient au marché, qui ont eu des enfants, qui comptaient leurs sous sans vraiment les compter. Elle bossait dans une boite qui faisait des clefs. Une espèce d’usine. Un boulot dont elle s’est jamais vantée. Un truc bien naze qui la fatiguait mais qu’elle se tartait sans râler. Parce que le truc des vieux de sa génération, c’était le boulot. C’est pas mon grand-père qu’aurait dit l’inverse. Ce bonhomme, trapu, petit, qui clopait au dessus des réservoirs des avions de chasse, faisait partie de l’armée de l’air. Dit comme ça, ça pète. En vérité, il faisait juste le plein des avions. C’était genre un pompiste. En plus glorieux. Il était pas commode le vieux. Il savait vous fixer pour vous foutre les pétoches. Il vous scrutait, les yeux bien dans les vôtres, il vous triturait la trogne, pendant des heures s’il fallait, jusqu’à ce que votre langue vous balance. On pouvait rien lui cacher. Quoi qu’on avait fait, on finissait par cracher. Pi, au fond, ça servait à rien de l’entourlouper parce que si on disait rien, on s’en prenait une, et si on avouait, on s’en prenait une. Avec lui c’était toujours le jeu du qui perd, perd. C’était ça aussi les vieux de leur génération : une certaine vision de l’autorité.
Pi y a eu la génération de mes parents, des mômes traumatisés par cette autorité, contaminés par cet attachement au boulot, des gens qu’ont refusé d’élever leurs gosses avec les mêmes valeurs, et des employés qu’ont découvert que leur boite se torchait avec leur engagement. Maman comme secrétaire, papa en tant que mécanicien. Ils ont pu creuser leur trou, mais en en chiant comme des turcs. Côté parental, ils étaient plutôt cools, mais toujours sur notre dos, pigeant rien à ce qui nous faisaient kiffer, mais voulant sans cesse nous encourager à rien branler : les dessins animés, l’informatique, les jeux vidéos, les jeux de rôles et tout le toutim, ils alignaient les ronds pour que tout soit à notre portée de main. Ils devaient culpabiliser de nous envoyer à l’abattoir, parce qu’ils avaient pigé qu’on en chierait deux fois plus. Résultat, on est la génération des loisirs. Comme on avait leur thune, et quand on a vu que y avait plus de boulot, on s’est pas pris la tête, on a fait comme les chats ; on a décidé de rester des mômes, à vie.
Mais ça c’est fait sans qu’on le calcule. Comme ça.
Pi y a un moment où la vie nous a rattrapé. Ça a commencé genre doucement, au collège, quand ils ont trié les bons des mauvais élèves. Ils nous ont passé au tamis. Comme j’étais moyen, j’ai suivi les filières générales, sans trop calculer. Ça aurait pu être pire. Mais j’en avais pas encore conscience.
Pi y a eu l’accident.
Je me souviens plus bien. On parlait du Lycée avec des potes, en sirotant des binouzes sur le parking des profs. Y avait un soleil qui nous promettait des grandes vacances de ouf. On le laissait nous cuir gentiment, parce qu’entre ceux qui filaient au bled, et moi qu’allait en Corse, personne voulait cramer d’un coup et passer une semaine dans le noir, à se tartiner de Biafine et à se foutre un gant sur le front. Y a que les blaireaux qui vendangeaient leur mois d’aout comme ça. Nous, on était d’une autre trempe, de celle qui se prépare, qui anticipe, en un mot, on pensait faire partie des malins.
On pense toujours faire partie des malins quand on est jeune.
Et la vie nous a rappelé que nous n’étions que des bons à rien.
Y a eu une déflagration dans le ciel, comme un coup de tonnerre, mais sans orage, puis y a eu une trainé de flamme qui est apparue et qu’a foncé droit vers nous. On s’est redressé rapidos, oubliant le pack de Kro, déguerpissant comme des crevards.
Le truc enflammé est tombé sur le parking. Tombé est pas le bon mot, y a eu un fracas énorme, les bagnoles des profs ont explosé, même celle sur laquelle on bavait tous : la Clio Williams du prof de sport, une voiture de kéké pour un kéké.
On a été soufflé. Moi surtout. J’ai roulé comme un brin d’herbe refoulé par les mecs de la mairie, et je suis venu m’encastrer dans un lampadaire. Encastré est pas vraiment le mot que je voulais dire : je me suis enroulé autour. Mon dos a craqué, pi mes pieds sont venus me gratter le derrière du crâne.
Là, j’ai douillé. Les souvenirs sont pas clairs, la douleur m’a tout brouillé, mais ce que je me souviens, c’est qu’un mec s’est posé à côté de moi. Je revois ces bottes rouges. Son pantalon moulant de gymnaste. Il s’est penché sur moi et j’ai senti sa sueur, son déo, Adidas je crois, et son haleine de fennec. Le mec, il a parlé vite fait, mais j’ai rien broqué. Pi il a posé sa main sur moi. Après, y a eu comme une chaleur et je me suis réveillé à l’hosto.
Y avait mes parents. Ils se sont mis à chialer. Ils m’ont pas pris dans leur bras. J’avais un plâtre, une minerve, et d’autres trucs que je pouvais pas voir, vu que je pouvais pas bouger mon cou. Ils parlaient vite, trop vite, en gloussant, je pigeais que dalle, mais j’étais content de les voir.
Pi ils m’ont saoulé.
Alors je leur ai dit.
Alors ils sont partis. Comme je le demandais. Et je me suis retrouvé seul, comme un con.
Des fois, faut se méfier de ce qu’on demande, parce qu’on peut l’obtenir.

Je passe rapidos sur mon démoulage, la rééduc, les médocs pour pas souffrir ou pour peu souffrir, parce que y a pas grand chose à dire.
Les mois sont passés, les saisons ont changé.
Papa et maman étaient là quand ils pouvaient. Ils pouvaient beaucoup au début, un peu moins au bout d’un moment. La faute à leurs patrons, aux chômeurs qui attendaient de prendre leur place, pi à l’Europe qui menaçait tous les travailleurs, comme disait papa. Je leur en ai jamais voulu parce que sur leur tronche, on voyait qu’ils vivaient pas ça bien. La contrariété les faisait vieillir entre chaque visite. Alors je les repoussais pour les protéger, mais je le faisais mal. Du coup j’aggravais leur maladie.
Du coup, je m’en voulais un peu.
Pi une fois remis, y a eu les derniers tests, les vérifications, les toubibs penchés sur mon cas, qui discutaient entre eux.
Comme j’étais mineur, ils ont attendu que mes parents se pointent pour balancer leurs conclusions :
— Madame, monsieur, nous avions encore quelques doutes, aussi nous avons vérifier le code génétique de votre fils.
Mes parents ont tendu l’oreille, cherchant à piger ce qu’on leur annonçait, mais tiquant quand même sur le ton des docs, ce ton qui indique genre qu’on va vous dire un truc qui craint, ce ton où se mêle la compassion et les excuses.
— Le super coup de main qu’il a reçu a modifié son génome.
— Vous pouvez m’causer en français ? avait demandé papa.
Il avait bombé le torse comme pour dire : « j’suis costaud, j’peux l’encaisser votre merde. » Mais derrière, maman qui savait qu’il mentait, lui avait attrapé la main pour le rassurer. C’était un truc qu’elle faisait dans les moments graves : elle faisait semblant d’être effrayée, pour qu’il s’occupe d’elle, alors qu’en vrai, c’est elle qui prenait soin de lui. Devait y avoir comme un accord tacite derrière ça, ou juste elle était plus fine que papa, reste qu’ils fonctionnaient comme ça et que ça leur convenait.
— Votre fils n’est plus normal, avait poursuivi le toubib.
L’autre doc ajoutant :
— C’est un Homo Superior.
Là je sais pas. Y a des trucs qu’ont traversé papa et maman. Je l’ai vu sur leurs figures. Ils ont fait répéter le toubib, avant de se tourner vers moi et de répéter à leur tour :
Homo Superior.
Maman a conclu la scène en venant m’embrasser, en sanglotant.
Coincé dans ses bras, je l’ai entendu chuchoter :
— Mon fils, un super héro.
Y avait de l’espoir dans cette phrase.
C’est pour ça qu’après, ça a un peu merdé.

4 réflexions sur « Homo Superior »

    1. Pour le coup j’ai la partie centrale de déjà rédigée. Me reste l’intro et la fin à écrire.
      J’avancerai et mettrai ici la suite. En mode écriture-porn 🙂

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