Question Masterclass

Avertissement aux speed readers : cet article est long, et ne livre qu’à travers une pauvre fiction ce qu’a été ce moment de partage. Si tu trouves ça trop long, félicitations, internet t’a trépané. Je t’invite à lâcher ton café et à te remettre à la slow reading, appelé aussi lecture, bisous à toi –
Avertissement aux slow readers : ouais je sais, c’est trop court 🙂 –

Avant de partir, j’ai mangé un jambon beurre, bu un coca et regardé trois épisodes d’Hannibal. Pas de raison particulière quant à ce choix, si ce n’est un projet de Thriller, et une envie de voir des MORTS !
Mais bref, passons. J’ai plié mon kimono, mon treillis, mon ciré breton, le tout dans mon sac à dos habituel et je suis parti pour mon cours de Writing no justsu !

RER, Métro, marche, google plan parce que je suis paumé, je tourne, retourne, trouve, perds et et retrouve mon chemin, et me voici dans le temple du mal élémentaire, le lieu où le maître nous attend.
Je tends mon invitation au gros bras à l’entrée, des hommes chauve, musclés, avec des figures déformées par la guerre (comme Courtemanche – présent dans Expandables 5), avec inscrit sur leur t-shirt « Magazine Littéraire ». Le nom de leur groupe armée visiblement.

Preuve : 
ticket

J’avance dans la salle, qui est un ancien théâtre. Aujourd’hui reconvertit en Dojo. Je m’assois au milieu, à droite, le long du mur. Ancienne tactique que j’avais mis au point durant mes années fac (sans la bande à Juju). Et j’attends. Autour de moi, les gens font silence. La salle est pleine. Y a comme des accents belges. Et des accents parisiens. Y a des vieux. Et des moins vieux. Mais pas de jeunes. Ce qui ne me surprend pas : les jeunes ne lisent plus. Enfin ils ne lisent plus de roman.
Les lumières se tamisent, les voix se font murmures. Les yeux cherchent sur la scène la silhouette, les épaules, le bout de la chaussure du l’instigateur de tout cela.
Un clip se lance. Histoire de chauffer la salle.
Et ça marche : la tension est palpable.

Pièce à conviction : 
fighters

Puis il apparait.

The Master.

Pièce à conviction : 
oeildutigre

Il nous jauge. Il nous juge. Il prend notre température… Non pas comme ça, en nous posant des questions :
– Qui beut debenir ecribain ?
(NDTR : qui veut devenir écrivain ?)
Il adopte cet accent asiatique pour deux raisons :
1 – il est un Dieu en Corée du Sud, bientôt du Nord, alors il se doit de parler leur langue,
2 – nous sommes dans un dojo, et nous sommes ici pour apprendre le Writing no jitsu !

30 personnes lèvent la main (dont je fais honteusement partie). 30. Sur 180.
Première interrogation : que sont venus foutre les autres ?

Je me dis que ce sont des Writing partners, des gars sur qui nous allons exercer nos clefs, notre technique, pour valider notre passage de ceinture.

Probable.

Le maître nous annonce le plan :
– Kata de forgeage d’une histoire,
– Kata de pétage de tronche d’éditeur,
– Kata de pauses,
– Kata de relaxation créative,
– Kata de questionnages,
– Kata de dédicace.

Ok master, je suis prêt.
Master ! Master ! (sur un air célèbre)

1. Kata de forgeage

On retrouve ce qui fait la force des masterclass du maître. N’oublions pas qu’il a été formé à l’école de l’INA d’argent. Monter des scénarios(ii) qui déboitent, il sait faire.
Il nous fait mettre en rang face à lui.
– Deux éléments sont très importants (oui lecteur, je vais taire l’accent pour ta faciliter de lecture, déjà abimé par ton smartphone et internet), la régularité et la détermination. Faites taire en vous tout ce qui vous interdit d’écrire, tout ce qui vous méjuge. Tout ce qui vous rabaisse. Venez à la régularité et à la détermination. Finissez ce que vous écrivez, même si c’est mauvais !
– Heu, moi j’ai commencé un truc un peu naze, avec des elfes, des nains et des hobbits et un anneau…
– Ça m’a l’air bien à chier oui, mais finis le ! Quoi qu’il arrive !
– Okay !
Perso, je ne dis rien, j’observe et écoute.
– Les récits, depuis Homère, sont tous structurés ! Il vous faudra donc travailler à votre structure.
– Gégé, maçon. J’ai toujours eu l’âme d’un poète et la structure, ça me parle. J’enquille les mots comme des palettes de parpaings, le long des murs perpendiculaires aux étoiles…
– Ta gueule. T’as pigé, c’est bien, mais garde ton verbe pour tes Writing Partner.
Ha ha ! J’avais raison !
– Il faut donc une structure avec plusieurs scènes fortes disséminées dans le roman. J’utilise le système du boulier : chaque boule est une scène clef. Et quand elles sont bien situées, elles entrent en résonance, se percutent l’une l’autre et forme un tout cohérent qui déchire !
– Oui Master ! balançons nous tous en choeur.
– Ensuite faut le style au service de la narration. Et là, Vous faites simple, pas de chichi, tchao ! comme un coup de latte en pleine carotide !

Pièce à conviction (mate la main droite) :
tchak

– Tchak ! A vous !
– TCHAK !
– Encore !
– TCHAK !
– Plus fort !
– TCHAK !
– Oh oui !
– TCHAAAAAAAK !
– Pas mal ! Vous avez pigé. Le lecteur vous le frappez où ça fait mal. Et pourquoi ?
– …
– Parce que les lecteurs, faut les attraper tous ! (remerciez @paindesegle pour celle là)
– Oui Master !
– Et que pour les attraper tous, z’êtes en concurrence avec tous les autres divertissements : films, jeux, les autres livres, et même Candy Crush ! Vous devez les défoncer pour gagner !
– Oui Master !
– Et pour bien les défoncer, faut construire une histoire avec des péripéties qui augmente la difficulté qu’affronte le héros jusqu’au climax !
– Le réchauffement climaxtique ! balance une vielle.
– C’est ça. Pensez au lecteur, il doit être en haleine. Il ne doit plus lâcher le bouquin. Il faut monter la béchamel comme dans un joyeux porno pour atteindre l’orgasme de la plus dure, et longue, difficulté. Et enfin résoudre l’histoire.
Tout le monde se raidit.
– Et pour les personnages ? demande un Belge.
– Comme toujours : un héros, une femme, pour l’histoire d’amour, un ami faire-valoir, un ennemi qui envoie du bois, souvent, un maître, et voilà. Pensez Star Wars, tout y est.
– Oui Master.
– C’est bien. Poursuivons.

2. Kata de pétage de tronche d’éditeur

– Après avoir suivi les préceptes du Kata de l’histoire, vous n’avez plus qu’à harceler les éditeurs. Je l’ai fait pendant 6 ans.
– Vache.
– Pardon ? Vous avez dit ?
– Je… dis-je, je crois bien avoir vu une vache…
– Vous vous croyez dans la Haine ?
– Je… non.
– Alors FERMEZ LA !
– Oui master…
– Donc, le harcèlement. Suivez les en vélib, en voiture, en avion, en pédalo s’il le faut, mais ne les lâchez pas. Et n’oubliez pas que vous êtes en concurrence avec les autres auteurs. Pensez au Couperet, le film. Vous pouvez les tuer. Vous connaissez Jean Michel Robert ?
– Non Master !
– Normal, je l’ai buté. Puis j’ai balancé son corps dans une fourmilière géante. HA HA HA (rire avec la voix d’un master du mal). Bref, reprenons. Harcelez les !

3. Kata de pauses

Epuisé par toutes ces informations, nous nous rasseyons, vidés. Le maître s’en retourne derrière le rideau, où, d’après les bruits qui nous parviennent, sont ouvertes plusieurs bouteilles de champagne.
– Dure la formation, me chuchote le Belge.
– Faut en chier pour écrire, dis-je.
– Pas faux.
– Un jour, on sera les expandables de l’écriture.
– Pas faux.
– Mais pas toi.
– Pourquoi ?
– T’as pas de W sur le bras.
Sur ce, j’ai bossé un peu sur mon roman, sur mon ee-katana. Et avec ces premières interventions, j’ai senti mon jutsu évoluer.

4. Kata de relaxation créative

Le maître revient pour nous enseigner la relaxation.
– Toi, allonge toi, on va te balancer une noix de coco sur le bide pour te relaxer créativement !
– Mais, je suis enceinte !
– Hum… toi le gros alors.
– Je le suis aussi, tenté-je.
– Tu te fous de ma gueule ?
– Non Master.
– Tu crois que j’ai pas vu ce film avec Schwarzenegger où il porte un enfant ?
– Si Master.
– Alors me sors pas des conneries de ce type. Bon, on reprend. Fermez les yeux.
On les ferme.
– Imaginez que vous sortez de votre corps.
J’imagine.
– Vous flottez jusqu’à une ile, votre ile, qu’est comme vous le voulez.
C’est un village. Mon village.
– Il y a votre maison.
La mienne.
– Dans laquelle y a un salon.
Avec les vieux meubles de ma mère.
– Et à l’étage votre chambre.
Y a pas d’étage, mais admettons.
– Dans votre chambre votre bureau.
Ouais, le vieux en bois d’arbre que mon père avait payé une blinde chez je-sais-pas-quel-revendeur-bizarre.
– Dans le tiroir de gauche, y a votre Moleskine. Ecrivez votre idée de roman.
Sang. Corps mutilé. Sang. Membres arrachés.
wo… chelou.
– Sur l’autre page, des éléments que vous allez mettre en valeur.
Sang. Crochet. Sang. Machette. Couteau. Pince. 
wo… chelou bis.
– Rangez votre Moleskine.
Ouais, je préfère. J’aurai pas du mater Hannibal en fait…
– Et dans l’autre tiroir, chopez votre totem et enfoncez le dans votre poitrine. Il a la forme de votre être profond.
Je vois… un god… ?!?
– Et grâce à lui vous atteignez les 7e sens, bande de petits bâtards !
Et oui, à travers ce sexe en plastique, motorisé, j’entrevois les planètes, l’univers, mais aussi les atomes, et l’histoire, le temps, les vies avant moi, humaines comme non humaines, et celle d’après moi, et je conçois ma temporalité, comme un roman, avec une introduction (hum…), un développement, des scènes clef, puis une conclusion, une fin, et la couverture rigide, en pin, laqué, dans laquelle je disparaitrais.
J’atteins le 7e sens.
LE 7E SENS !

5. Kata de questionnages

– Moi j’ai une question sur votre boulier structurel : il a pas franchement une forme de boulier…
– Mais si ! T’es qui pour dire ça ? Je te remets le slide espèce de résidu de fond d’atome quantique !

Pièce à conviction : 
structure

– Ahoui…
– D’autres questions ? Que je vous montre le côté sympathique de l’auteur !
– Non Master !
– C’est bien les gens. On va pouvoir passer aux dédicaces.

6. Des dits se cassent

Je ne suis pas resté. Tout d’abord, après avoir atteint le 7e sens, je n’avais plus grand chose à faire. Ensuite, je devais retrouver ma petite famille. Enfin, je suis toujours mal à l’aise avec ce type d’exercice, côté auteur comme côté fan. Il y a un je ne sais pas quoi qui me bloque. Que je trouve too much. D’autant que, je dois l’avouer honteusement, je n’ai jamais lu ses livres. J’aurai donc eu l’air bien con si le Master m’avait demandé quoi que ce soit.
J’ai fui. Donc.

Conclusion

Cette masterclass est similaire à l’une que j’avais topée sur le net. En moins bien construite. Ou alors le montage post prod à été conséquent. C’était un moment sympa, avec un auteur qui ne se met pas en avant. Pudique, timide, il propose sa manière de bosser, sans l’imposer. Il décortique son boulot, juste pour donner l’envie d’écrire, et c’est cool. Ce gars, malgré tout son parcours, a conservé le plaisir d’écrire. Et ça, c’est pas toujours évident.
Y a toutefois un côté spirituel chez lui qui, comme je lis le Livre de Dave de Self, me laisse entrevoir la possibilité que d’ici deux cent ans, on pourrait parler de sa philosophie de vie comme d’une religion, que ces livres pourraient atteindre une portée biblique. Bon faudrait que je le lise pour confirmer ce sentiment, mais reste que ça transpire quand on l’écoute.
Du coup, c’est peut être un auteur dont vous vous foutez (de sa gueule surtout), mais c’est un homme bon (hein Hannibal :)). Enfin je crois.
Et comme il m’a été très sympathique, je vais tenter de lui poser une question qui me tarabiscotte.
Parce que mine de rien le Master, c’est un Master.

Ps : j’ai reçu ma ceinture étoilée. Ayé, je suis un auteur, un vrai. Avec le justsu qui va bien. Et le ee-katana qui défonce. Éditeurs, vous ne pourrez fuir assez loin, ni assez longtemps, je vous trouverai, et vous débusquerai, et vous obligerai à lire ma verge… ma verve, pardon.

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