Cet article fait suite à celui d’Olivier disponible ici -> https://oliviersaraja.wordpress.com/2025/02/22/pourquoi-lire-en-numerique/
Dans lequel ce fieffé gredin nous présente les avantages de lire en numérique. Il y avance des arguments de bon sens écologiques, de disponibilité et d’accessibilité, de diversité et tous ses arguments sont entendables – Olivier est plutôt quelqu’un de mesuré qui n’avance jamais d’éléments outranciers, sauf lorsqu’on parle de Cassoulet, mais c’est une autre histoire.

J’interviens ici pour tempérer ses ardeurs 🙂
Le numérique n’est pas à l’origine de la surproduction, mais il l’aggrave. Rien de plus facile que de mettre son livre en ligne, rien de plus simple que d’être présent sur une plateforme et de pouvoir vendre en papier ou en numérique à la demande sauf que… des millions d’auteurs/autrices le font.
Le problème n’est pas tant de produire que d’exister au milieu de ce flux continue.
Comment exister ?
En faisant de la comm ? En se créant une communauté ? En écrivant au moins deux livres par an pour avoir toujours une actualité qui attire les lecteurs/lectrices ? En sortant du cadre pour proposer du transmédia (un jdr dans mon univers ? un actual play ? une Bd ?) ?
On devine le burnout créatif derrière. Le « à quoi bon ». Ou le ‘Tout ça pour deux ventes, sachant que la première était de mamie ». Je ne dis pas que la surproduction ne serait pas là sans le numérique, elle est notamment liée à la distribution et on la retrouve dans d’autres secteurs, je dis juste que le numérique l’aggrave.
Le numérique, c’est pas si écolo. Faut du matos côté serveur et côté client. Vous me direz : « c’est moins pire que des livres en arbre morts » et je répondrai « Ouais OK ». Mais quand même. Si demain, avec la raréfaction des métaux – déjà rares, on voit le prix de nos matos exploser, le prix des abonnements doubler voire tripler, les epub des grosses maisons d’édition – aujourd’hui plus cher que leur version poche (hahahahahahahahahahhaha, pardon) verront leurs prix suivre la courbe de la croissance des coûts numériques.
Et là, ça m’emmène au point qui m’ennuie le plus.
Dans le numérique, on possède rarement ce qu’on consomme.
Revendre un livre numérique ? Le prêter ? Pas vraiment.
Et s’assurer que demain il sera encore là ? Non modifié ? On en sait rien. On a vu des services de streaming modifier des oeuvres par convenances ou orientations politiques soudaines.

Et la diversité ? Amazon est aujourd’hui en position dominante, position problématique dans le sens où si la plateforme vire turbofacho, on aura l’air malin avec nos bouquins plutôt de gauche. Est-ce qu’on sera invisibilisé ? Viré ? Voire blacklisté ? Comment savoir ?
Je suis parano ? Vite fait -> https://www.clubic.com/actualite-553437-la-fin-du-transfert-usb-sur-kindle-amazon-verrouille-encore-plus-ses-e-books.html
Le livre papier circule sous le manteau, il possède une intégrité qui nous assure que nous sommes devant l’oeuvre intacte. Il possède également une vie propre qui lui permet de se glisser dans les interstices du contrôle. Sa dangerosité vient de là. C’est pour cela que Trump et ses potes les chassent. Ils savent que les pages imprimées véhiculent plus que des histoires et qu’ils ne peuvent pas les corrompre à la volé. Ils ne peuvent que « bloquer l’accès ». Interdire. Détruire.
Le numérique est adossé à des infrastructures qui est par définition surveillée. Il est beaucoup plus compliqué de s’y cacher, d’y survivre et d’y faire prospérer des idées différentes. Faut du cryptage, du VPN, des outils techniques qui imposent un minimum de connaissances et un niveau de complexité sans commune mesure avec le papier.
On brûle plus facilement un livre qu’un serveur, mais on corrompt plus facilement un livre numérique qu’un livre papier.
Aujourd’hui nous évoluons dans une guerre de l’imaginaire. Ne me faites pas passer pour un dangereux complotiste : on veut nous imposer une voie unique au niveau économique, au niveau politique, et les chemins différents sont moqués, chassés, décridibilisés. Comme le résume Anakin : « Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi. » Une vision binaire qui engendre un monde dangereux.
Lutter contre cette vision simpliste, tenter de mettre en scène une certaine complexité, des différence, c’est ce qui m’a toujours poussé à écrire.
À ma manière je participe à cette guerre. J’ai choisi mon camp. Et c’est pourquoi je me méfie du numérique.
PS : malgré la surproduction, je continuerai d’écrire tant que je le pourrai. Parce que j’ai l’outrecuidance de considérer mes romans comme « importants ». Pour ce qu’ils amènent à ce monde et pour ce qu’ils mettent en scène.
Je souhaite répondre au sujet de la raréfaction des métaux. Les terres rares ne le sont pas, bien au contraire. C’est « juste » que l’extraction et le traitement de certains sont pénibles et polluants, du moins trop pour nous autres occidentaux qui ne voulons plus nous salir les mains. Lorsque la Chine a répliqué à des mesures économiques américaines à son encontre (l’année dernière?) en déclarant limiter ses exportations mondiales, notre gouvernement a rassuré en disant que la France était assise sur un beau gisement. Ce qui est vrai. Reste à trouver la volonté de l’exploiter à une époque où on ne veut déjà plus avoir grand chose à faire avec nos propres ordures.
C’est pas moi qui le dis, c’est Aurore Stéphant, et j’ai plutôt tendance à la croire.
ici par exemple -> https://youtu.be/7bh3Z78e68Q?si=5E0vwThZrOo8FCu_
Il en reste mais pas forcément beaucoup. La course à l’espace est aussi une course aux ressources. Pi ça délocalise encore plus loin la pollution 🙂
Un autre lien pour faire suite à notre échange et l’éclairer, cette fois, il vient d’Arte (je ne l’ai pas encore regardé) :
-> https://youtu.be/njMVjVH32UQ?si=iNrl4SuNZ-TPap93
Ça devient hyper sérieux ici.