Ecriture récréative

Voilà, j’ai soumis mon dernier roman et j’attends avec impatience le retour des éditeurs (en vérité j’en ai soumis deux, mais le second est honteux). Ce roman me tient à coeur d’autant qu’en 2016, j’ai écrit deux novellas assez mauvaises, dont personne n’a voulu, à juste titre d’ailleurs).
Aussi, quand je croise mon facteur, je suis un peu relou. Mercredi, tandis que je lui fracassais la tête dans l’escalier pour être bien certain qu’il n’avait pas mangé une réponse favorable, ce dernier m’a balancé : « Vous devriez écrire, ça vous détendra ». J’ai arrêté de le frapper tout en réfléchissant à son conseil. C’était loin d’être idiot.
C’est donc en toute logique que je lui ai dit : « C’est loin d’être idiot ! ».
Mais voilà, un peu stressé, puis n’ayant rien écrit de sérieux depuis un moment, je me suis dit : « Me faudrait un truc récréatif, pour déconner, d’autant que Grey est revenue. » (Grey qui m’a permis de creuser un projet qui est actuellement en reboot – tu as vu ce teasing de ouf ? :D).
Donc voilà, j’ai réfléchi un peu… OK, peu en vrai. Puis je me suis lancé.
C’est très dur de revenir à l’écriture après une longue pause. C’est un peu comme reprendre le sport. Ça fait mal, c’est pas agréable et on se retrouve avec de vieilles courbatures (mentales, dans ce cas).
Alors voilà, je te livre ces quelques lignes, fruit d’un travail récréatif.
Bonne lecture.


« Et n’hésitez pas à laisser un commentaire d’encouragement.  »
Le facteur.


Commandant Gautier.

J’empoigne les jumelles et observe la troupe avancer. Malgré l’obscurité et la pluie battante, j’arrive à suivre les quatre ombres qui progressent avec attention. Encore quelques mètres et ils seront au contact.
Une bourrasque plus violente que les autres, vient nous plaquer l’eau sur le visage. Les soldats restent de marbre. L’habitude. Les docs par contre, ils n’arrêtent pas de retirer et d’essuyer leurs lunettes avant de les remettre en place. Une fois sur leurs nez, elles se retrouvent à nouveau trempées. Et ils recommencent, en marmonnant des râles inaudibles. Ils se gardent bien d’articuler, ils savent que les militaires détestent le mauvais esprit. Et qu’à la moindre remarque déplacée, ils se feront recadrer. Ce qu’ils détestent : les docs s’estiment meilleurs, car plus intelligents ; rabaissés par un soldat, qui représente la force pure, la bêtise, quelque part, pour eux, revient à se faire insulter. Je comprends ça. D’autant plus que l’inverse est vrai : se faire rembarrer par une tête d’ampoule est une honte pour tout soldat qui se respecte.
— Ils leur restent combien de distance avant d’être attaqué ? demande Derevier, le doc en chef.
— Une trentaine, tout au plus, dis-je.
Ses gars se crispent. Faut dire, leurs derniers essais n’ont pas été concluants. Loin de là.
Je reprends :
— Vous les avez bien chargés cette fois ?
Il acquiesce, tout en retirant ses lunettes.
— C’est bien, que j’insiste. On ne va pas jouer à ce jeu-là pendant cent sept ans.
Derevier replace ses verres et, bien que mon attention soit toute à la progression, je sens son regard se porter sur moi. Il n’est pas agressif, juste, un poil piqué au vif. Il apprécie peu qu’on lui rappelle ses échecs. Comme tous les ambitieux.
— Et vos hommes commandant, vont-ils nous aider pour une fois ?
Jolie contre-attaque.
J’en souris.
— J’imaginais que vos gars n’avaient besoin de rien.
— Tous seuls ils n’arriveront jamais à nous faire gagner du terrain.
— C’est vrai que l’aile Ouest répare les robots plus vite que nous les dégommons.
— Ils auront beau essayer jusqu’à l’épuisement, ils n’arriveront jamais à l’objectif.
Cette fois, j’abaisse mes jumelles, agacé.
— Et quoi alors ? Que suggérez-vous ?
— Une nouvelle stratégie.
— J’avais cru comprendre, lors des réunions avec l’état-major, que vos gars pouvaient mener à bien leur mission…
— Nous ignorions la puissance de feu…
Cette fois, je m’énerve.
— C’est une guerre Derevier. Évidemment qu’on se frotte à une puissance de feu conséquente. Si vous vouliez une puissance de feu limitée, il fallait en rester aux manœuvres d’entrainement…
Il reçoit l’estocade de plein fouet. Son corps ne bouge plus, son cerveau cherche une réponse bien sentie, ou une parade, qu’importe. Je replace les jumelles et reviens aux quatre rats de laboratoire que les docs nous ont fabriqué.
— On va voir si vos super soldats s’en tirent cette fois, conclus-je.
Ma phrase à peine terminée, les corps mécaniques se mettent branle. Leurs rouages vieillissants doivent grincer, mais on ne les entend pas avec la pluie et le vent. Pas plus que nous entendons les cris des quatre ombres se jeter dans la gueule du loup.
D’un coup, des éclats de lumière éclairent le mur d’enceinte. Le corps à corps est engagé, les premières salves tirées. Le bruit des déflagrations nous parvient avec un temps de retard. Les docs retiennent leurs souffles. Les militaires, dont je fais partie, observent les manœuvrent. Les quatre trompe-la-morts ont bien retenu la manière de se couvrir les uns les autres. Ils s’entre-protègent. Au moment où le premier, le mastodonte comme on l’appelle, arrive face à une boite de conserve, on aperçoit la lueur de sa pierre scintiller. Puis le coup part. Le corps de métal explose littéralement et ses débris s’envolent, pour retomber plusieurs mètres plus loin. Le second, le fluet, traverse le champ de bataille à vitesse grand V. Une explosion vient faucher sa course. Il retombe lourdement, désarticulé. La troisième tente alors de passer par-dessus la première ligne de robots, pour poser les explosifs et préparer le terrain pour leur prochaine tentative. Une rafale lui perce le corps et avant qu’elle ne retouche le sol, un des robots lui fracasse le crâne avec une poutrelle abandonnée. Reste le dernier, l’ingénieur. Il hésite quelques secondes, jauge les forces en présence, puis il ordonne au mastodonte d’effectuer un repli stratégique.
Ce type de manœuvre est risquée, car en cherchant à fuir le champ de bataille, non seulement on ne se défend plus, mais en plus on se découvre. Le danger est double. C’est pourquoi nous ne l’utilisons qu’en dernier recours.
Deux nouvelles explosions percent la nuit.
Les deux survivants viennent d’y passer. Leurs membres retombent aux quatre vents, éparpillant dans leurs chutes les espoirs des docs de briller.
— C’en est fini, dis-je.
Derevier baisse la tête. Il sert les poings. Pas facile de perdre. Encore une fois.
— Capitaine, dis-je. Allez me ramasser ces hommes.
— Tout de suite ?
— Tout de suite.
Tandis que l’officier subalterne se retire, je m’approche de Derevier :
— C’est tout ce que vous avez à nous proposer ?
— Ils ne sont pas encore au point. Mais nous avançons…
— Pas assez vite. Le général souhaite qu’on débarrasse le coin de tous ces robots.
— Et ce que le général veut…
— Doit être. On va vous les ramener vos…
— Strigoïs.
— Vos rats de laboratoire. Vous allez me les rapiécer fissa, les recharger et d’ici douze heures, on reprend la partie. Pigez Derevier ?
— Compris commandant.
— Et cette fois, faîtes qu’ils tiennent plus que dix minutes.
Je laisse sur le balcon du bâtiment les docs discuter entre eux. Ils auront tout le loisir de revoir la séquence grâce aux cassettes de vidéosurveillance.
Une fois à l’intérieur, j’essuie mes jumelles avant de le replacer dans leur étui. Puis je secoue mon manteau, détrempé. Tout en réajustant mon uniforme, je cherche la manière dont je vais annoncer ce nouvel échec au général.
Le seizième, en tout et pour tout.


 

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