[SP] L’empire de l’imaginaire, Michael Witwer, Sycko

Lorsque Jérémie Rueff m’a proposé de lire ce livre en avant première, ça c’est passé comme ça :
– Ca te dirait ?
– Ouais.
– Je te le file alors.
– Ouais.
– Autour d’une bière.
– Ah ouais !
Premier SP depuis des années, je retrouve avec plaisir la joie des contacts pro… dans les pubs de la capitale 😀

On discute, on échange, on parle jeu de rôle, forcément, projets, on boit, puis on en vient au bouquin.
– Alors, c’est quoi exactement ?
– La bio de Gygax.
– Écrite par un historien ?
– Non.
– Mais… Ok il a créé D&D et TSR, mais sa vie à lui, elle est intéressante ?
– Lis et tu me diras.

Sur ce on a échangé encore quelques idées, quelques fantasmes qu’on rêve d’accomplir, puis est venu le temps des au-revoir. Poignée de main chaleureuse, sourire d’avoir passé un bon moment, et chacun est parti en direction de son train.
Durant le trajet, j’ai repensé à l’influence de Gary dans ma vie. Ado perturbé et introverti, partagé entre une citée douteuse et un village mort, la découverte du jeu de rôle avait changé ma vie. Sans exagérer. D&D2 avec ses règles, ses univers, ses aventures, avaient permis de découvrir le partage de l’imaginaire, la co-création, la parole en publique, la confiance en soi, la réflexion, et tout un tas de qualités dont on ne soupçonne même pas l’existence.
L’oeuvre de Gary m’avait profondément changé.
Du coup, c’est vrai que se demander qui il était lui, pouvait s’avérer marrant.
Là, pendant que les gares défilaient, j’ai imaginé un gros barbu, sympa, jouant au fond de sa cave, notant des règles sur des cahiers, puis terminant sa vie vieux, satisfait du boulot accompli.
Vie sympatoche, mais loin d’un Steve Jobs ou d’un Marc Zuckerberg. Quand même.
Du coup, un peu curieux, j’ai ouvert le bouquin et j’ai commencé à lire.

Le fond.
On découvre la vie de Gary, c’est vrai.
Bad boy du quartier, qui se fritte avec des bandes, qui oblige ses parents à déménager, qui affectionne les armes, qui s’inscrit chez les marines, mais qui ne peut y rester, qui se met à jouer au Wargame, comme un cinglé.
On le découvre en tant passionné, qui passe des heures à modifier, cheater, réécrire des règles, à les partager dans des fanzines, à répondre au téléphone pour expliquer des points de règles, à jouer avec ses copains, à organiser les premières Gencon.
On le voit perdre de vue sa vie de famille, totalement dévoré par sa passion.
On suit la création de D&D, ses déboires lorsqu’il a proposé son jeu à des éditeurs, sa volonté de le sortir quand même, investissant son argent, son temps, pour imprimer les premières boites qu’il postait lui-même.
Là, on se dit : le mec est quand même un peu cinglé. C’est un berserker créatif. Un barjot qui lâche jamais l’affaire.
La suite, logique, la création de TSR, la direction d’une société, l’éloignement de la création au profit de la direction, les enjeux d’argent, de profits, les jeux d’alliance, jusqu’à la trahison, qui le voit évincé de sa propre création.
Gary viré.
Mais Gary toujours au taquet. Gary qui avant de se retrouver dehors, drague Hollywood (ce qui donnera un super DA), Gary qui tombe dans les affres de l’argent, Gary qui fête trop ses richesses et finit par les éparpiller.
Au final, Gary tout seul, qui tente de créer, de poursuivre de nouvelles manières de jouer, soit en créant un nouveau jeu, soit en cherchant du côté des jeux vidéo, mais Gary qui peu à peu, et à cause de sa santé, revoit ses priorités et tente de reprendre pied avec ses enfants.
Toute cette histoire, très (trop) rapidement résumé, à peu près dans l’ordre, révèle une étonnante trajectoire comme on en voit qu’aux USA : partir de rien, fabriquer son empire à la sueur de son front, revenir à rien, en laissant derrière soit un bel héritage.
Des péripéties parsèment cette trajectoire, des anecdotes croustillantes, allant de la femme de Gary persuadée qu’il la trompe, et qui tirera la tronche en s’apercevant que non, il joue vraiment ; à la trahison vécu à TSR.
Alors, vie romanesque. Très bien. Mais tout ça se savait plus ou moins, existait dans d’autres livres, alors qu’apporte ce dernier ?

La forme.
Michael est un malin. Son récit s’appuie tant sur des éléments véridiques que sur de belles fabulations. Pour être plus précis, tout ce qui est vrai est écrit mais tout ce qui est écrit n’est pas forcément vrai.
Hm. C’est pas plus précis.
Je reformule : la biographie n’est pas rédigée comme une succession de souvenirs datés, factuels. Au contraire, il s’agit d’une version romancée. Gary parle, bouge, ainsi que ses proches et ses ennemis. Résultats, cette vraie fausse biographie met dans la bouche de ses personnages des mots qu’ils n’ont sans doute pas dit. Mais ce n’est pas grave. Car l’Histoire est respectée. L’important, c’est que ce stratagème d’écriture donne de la vie au récit. Les chapitres, organisés autour de souvenirs, alternent les moments de joie aux moments de doute, de souffrance, de dépit. Gary y est plus que jamais vivant. Lui a passé tant de temps à jouer et à faire jouer des personnages, il doit sourire dans sa tombe en voyant qu’il en est devenu un.
Et moi, en tant que lecteur, j’ai découvert la vie d’un homme complexe, tantôt excité, tantôt torturé, qui a eu une vie incroyable.

Au final.
Ce livre mérite-t-il d’être lu ?
Pour ceux qui connaissent la vie de Gary, je vous invite à le découvrir, ne serait-ce que pour l’ingéniosité d’écriture déployée. Il s’agit d’un petit bijou (à mes yeux), qui méritent de figurer dans votre reading list.
Pour ceux qui ne connaissent pas Gary, foncez ! Ce livre vous permettra de rencontrer le père du jeu de rôle, et il pourra constituer une porte d’entrée vers des oeuvres plus complexes, plus historiques ou plus précises.

Conclusion :
La traduction par Sycko est en financement participatif en ce moment. Jetez un d20, multipliez la somme par 10. Voilà le nombre de PO que vous pouvez donner à Sycko pour mener à bien son projet.
Pour en savoir plus :
Ulule : https://fr.ulule.com/biographie-gygax/
Sycko : http://www.sycko-fab.com

 

 

 

 

Ils en parlent :
Phileas Rogue : https://www.youtube.com/watch?v=2ZqTL_s8ML0&feature=youtu.be
Alias : https://alias.erdorin.org/lempire-de-limaginaire-de-michael-witwer/
Scifi universe : http://www.scifi-universe.com/actualites/16573/l-empire-de-l-imaginaire-notre-critique-en-avant-premiere

Allez, tchuB !

Ps : Merci à Jerem de m’avoir fait découvrir cet ouvrage. Je te dis merde pour le crowf 😉

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