La contrainte de temps

Nous avons acquis plusieurs jeux ces dernières semaines. L’un d’entre eux a retenu notre attention : Space Alert.

Une présentation rapide ici : https://www.youtube.com/watch?v=7xJHzVrACts

Vous pouvez l’acquérir ici : https://www.philibertnet.com/fr/iello/9769-space-alert-vf-3760175510069.html

Ça ressemble à ça en vrai :

J’ai déjà parlé de la coopération et de la manière de la provoquer, de l’encourager, de l’améliorer. Un élément est souvent requis pour la mettre en scène : la contrainte. On partage les ressources, les fonctions, on rend les joueurs interdépendants ce qui engendre ce besoin de coopérer.

Space Alert est particulier dans le sens où il propose un type de coopération intéressant, singulier : la coopération en situation de crise. 

Tout le monde le sait qu’en situation de crise, le stress accroit notre agressivité et nous fait réagir de manière inadaptée. On aboie sur les collaborateurs, on balance sa souris à travers l’openspace, blessant parfois des collègues au passage, on injure ses -1, on soupire devant ses +1, on serre les dents face aux clients ou aux apprenants. Vous voyez bien de quoi il est question 🙂

Alors, autant quand tout va bien, que tout le monde sourit et prend le temps d’échanger, la coopération est évidente, autant quand s’installe l’urgence et le stress, ça devient moins évident.

C’est pourquoi il peut être intéressant de faire travailler les apprenants en situation de stress. S’entrainer à gérer ses sentiments, à garder la tête froide, à retenir ses excès de rage pour maintenir la cohésion peut s’avérer déterminant suivant le cadre professionnel. Imaginons un ingénieur informaticien dont le SI subit un piratage majeur, il voit ses serveurs qui tomber d’un coup, ou bien des pompiers en interventions sur un incendie titanesque (genre en Australie) ou encore un manager de la SNCF affrontant les grévistes, l’entrainement à agir en situation de crise peut leur sauver la vie.

Alors, comment créer une situation de crise ?

En vérité, il n’y a pas beaucoup de solutions : 

  • soit vous touchez le moteur émotionnel du joueur pour instiguer une situation d’urgence (exemple : il va bientôt mourir, il est poursuivi par des créatures, le danger est palpable – ajoutez une ambiance sonore qui va bien, nous en avons parlé dans un article précédent),
  • soit vous l’obligez à prendre des décisions dans un laps de temps réduit (vous cherchez à créer une sentiment de panique).

L’idéal étant d’associer les deux.

Space Alert associe les deux. Formidable hein !

Les joueurs se trouvent dans un vaisseau spatial qui connait des avaries majeures. L’ordinateur par en quenouille, les réacteurs fuient, les canons lasers visent de travers et c’est à ce moment là que des vaisseaux viennent vous attaquer. 

On sent déjà que la situation est compliquée… 

Les joueurs écoutent une bande sonore qui va leur indiquer pour chaque phase de jeu la position des assaillants (à l’extérieur comme à l’intérieur du vaisseau), l’ordre d’attaque et à partir de là, le groupe va définir les actions à effectuer.

Attaque à droite, un membre de l’équipage va s’y rendre pour faire feu. Un autre ira sur le pont inférieur pour recharger le canon afin de faire feu à nouveau.

Difficultés de la manoeuvre : 

  • une situation dangereuse,
  • le jeu se passe en temps réel : pendant 10 minutes, les joueurs vont entendre les problèmes survenir et ils vont programmer l’action de leurs personnages,
  • les joueurs disposent d’un temps limité pour décider de leurs actions (au début le jeu s’effectue en 3 phases, chaque phase dure 2 à 3 minutes, une fois les décisions prises, elles ne pourront plus être modifiées),
  • les actions ne s’effectueront qu’une fois la bande sonore terminée, en d’autres termes, tout le monde prévoit ses actions et elles ne seront résolues qu’à la toute fin du jeu.

Danger, temps réel, phase de jeu limitée, décision irréversible. 

On la sent bien là, la situation de crise.

Ce quatuor infernal ne se retrouve pas que dans Space Alert : prenez un Escape Game, vous les retrouvez peu ou prou (même si le danger est souvent un peu lâche). Prenez un Wargame, attribué à chaque camp un temps limité pour prendre ses décision, ça devrait fonctionner. Prenez aussi un jeu de rôle, utilisez un chronomètre pour limiter le temps de réflexion des joueurs, ajoutez des ennemis, saupoudrez le tout de perte de vie et vous y serez.

Alors de ces quatre composants, j’aime à croire que la contrainte de temps est déterminant.

Plus le temps est limité, plus il contraint la réflexion, plus le stress augmente. Réduire la prise de recul, gêner la prise de décision, la forcer, provoque intrinsèquement du stress. Et c’est un peu ce qu’on veut provoquer. 

Le danger n’est qu’une excuse fournit par le scénario.

L’irréversibilité n’apporte qu’une surcouche de gravitude  (comme le dirait une politique française).

Le temps.

À bien y regarder, le temps est une contrainte de beaucoup de jeu : faites un Pictionary , un Times up sans le sablier, ça devient vite ennuyeux. À l’inverse, ajoutez un sablier au Scrabble,  ça pourrait égayer les soirées jeux en famille. Aux échecs, vous pouvez jouer en 2 heures ou en 10 minutes (en blitz), la partie n’a pas vraiment la même tête.

Tout ça pour dire quoi ?

Quand vous réfléchissez à un jeu sérieux ou pas sérieux, pensez au temps. Allez vous le contraindre ? le laissez libre ? Souhaitez-vous créer un sentiment d’urgence ? Ou au contraire un sentiment de sécurité ? Souhaitez-vous travailler sur le stress ? Ou sur la réflexion en profondeur ?

Tout comme le son, le temps est une variable fondamentale à prendre en considération.

Une réflexion sur « La contrainte de temps »

  1. Bonjour, effectivement la contrainte temps est très importante. Depuis quelques temps, quand j’anime un serious game, j’affiche un compte à rebours au tableau. C’est beaucoup plus efficace que d’écrire l’heure de fin . Cela crée un petit sentiment d’urgence. Cependant, la difficulté pour l’animateur est de bien évaluer le temps. Si c’est trop court, les participants n’ont pas l’impression de pouvoir réussir et baissent les bras. Trop long ou sans contrainte, cela n’a pas la même efficacité. Il m’est parfois arrivé de rajouter du temps car j’avais mal évalué.
    J’aime bien la proposition d’ajouter un timer au scrabble. Je vais essayer.

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