Les formats courts

Il y a quelques semaines, j’ai commis cette vidéo :

Est-ce que la taille, c’est vraiment important ? Oui, je parle de livres… Vous imaginez quoi ?

Donc est-ce que la taille d’un roman est important ? Est-ce que les courts sont en quelque sorte des fast-food reading ? Tentons d’y répondre.

De un, il existe plein d’auteurs et d’autrices qui écrivent des formats courts. Des nouvelles, des novellas, des recueils. Et pourtant, on les considère souvent comme des sous-produits littéraires. Comme si c’était la version « light » de la vraie littérature. Le Coca Zéro de l’écriture.

Mais c’est un peu con de voir cela comme ça. Enfin réducteur. Reprenons dans l’ordre :

Le plaisir immédiat

Un format court, c’est un peu comme un bonbon. C’est un plaisir immédiat, concentré, intense. Tu veux du drame ? Boum. Page 1. Tu veux du mystère ? C’est parti. De la baston intergalactique ? Tiens, prends ça dans les dents dès le premier paragraphe.
Pas de temps mort. Pas de cinquante pages d’introduction où on te présente l’arbre généalogique du héros sur trois générations. Non, direct dans le vif du sujet. Et franchement, dans notre monde où l’attention est devenue une denrée rare, c’est pas négligeable.
Parce que soyons honnêtes : entre deux journées de boulot qui te pompent toute ton énergie, une crise existentielle qui pointe le bout de son nez tous les mardis soirs, et un feed TikTok qui défile à la vitesse d’un TGV sous caféine… trouver le temps de se lancer dans un pavé de 800 pages, c’est pas évident.
Le format court, lui, il te dit : « T’inquiète pas, je vais pas te bouffer trois semaines de ta vie. Donne-moi une heure, peut-être deux, et je te promets une vraie histoire. Complète. Avec un début, un milieu, une fin. »

Et c’est pas rien, ça. C’est même hyper satisfaisant. Tu commences un texte le soir dans ton lit, et tu le finis avant de t’endormir. Tu as cette sensation de complétude, de boucle bouclée, qui est devenue rare dans nos vies fragmentées.

Et niveau prix, alors ?

Ah, on pourrait se dire que comme c’est plus court, c’est forcément moins cher. Logique, non ? Bah en fait, pas forcément.

Un recueil de nouvelles bien édité peut coûter aussi cher qu’un roman. Parce que le travail éditorial est le même. La mise en page, la correction, la couverture, la distribution… tout ça ne change pas selon le nombre de pages. Et puis, le temps de création non plus n’est pas proportionnel à la longueur du texte. Parfois, écrire une nouvelle prend autant de temps qu’écrire un roman.

Donc non, format court ne veut pas dire format économique. Même si c’est vrai que certains éditeurs proposent des prix plus doux pour attirer les lecteurs vers ce format.

Être concis c’est un sacré exercice

Pour les auteurs, c’est un sacré exercice. Un vrai défi technique.
Écrire court, c’est travailler la précision, le rythme, la chute, l’impact. C’est comme de la sculpture : tu tailles, tu affines, tu enlèves tout ce qui est superflu pour ne garder que l’essentiel.
Tu apprends à couper tout ce qui est gras dans ton texte. Toutes ces descriptions qui n’apportent rien. Tous ces dialogues qui tournent en rond. Toutes ces scènes qui existent juste parce que tu les trouvais jolies mais qui ne servent pas l’histoire.
Et quand tu reviens sur ton roman après avoir écrit quelques nouvelles… tu vois toutes les phrases qui ne servent à rien.

Ça peut être brutal. Voire même un peu déprimant : tu te rends compte que la moitié de ton chapitre 3 pourrait disparaître sans que personne ne s’en rende compte. Que ce paragraphe magnifique sur la lumière du couchant, bon, ok, c’est beau, mais est-ce que ça fait avancer l’intrigue ? Non. Alors hop, poubelle.

Le format court, c’est une école d’efficacité narrative. C’est apprendre à faire compter chaque mot, chaque virgule, chaque point. Parce que tu n’as pas la place pour te perdre en digressions.

Ce que ça m’a appris personnellement.

Moi, j’ai commencé par des formats courts. Pas par choix esthétique ou par conviction, hein. Non, juste parce que j’avais pas la force pour un roman. L’idée d’écrire 300 pages me semblait insurmontable.

Alors j’ai écrit des nouvelles. Des petites histoires de 10, 15, 20 pages. Des trucs que je pouvais finir. Et ça, psychologiquement, c’était énorme. Parce que finir un texte, même court, ça te donne confiance en toi. Ça te prouve que tu es capable de boucler une histoire.

Mais ces petits textes m’ont appris plein d’autres trucs aussi.

À structurer mes idées. Quand tu n’as que 20 pages, tu ne peux pas te permettre de partir dans tous les sens. Il faut que ton histoire tienne debout, avec une vraie architecture. Un début qui accroche, un milieu qui développe, une fin qui claque.

À créer des personnages qui existent dès la première ligne. Pas le temps de faire une fiche de perso de 15 pages. Il faut que ton lecteur comprenne qui est ce type en trois phrases. Qu’il s’attache à lui, qu’il s’en méfie, qu’il le déteste… peu importe, mais vite.

Et puis, les formats courts me permettent aussi de tester des formes, des styles, des genres. C’est pour ça que je les autoédite d’ailleurs. Je peux me permettre d’expérimenter sans prendre de risque énorme. C’est pour ça qu’aujourd’hui encore, entre deux projets plus longs, j’aime revenir à la nouvelle. Mes textes font généralement entre 30 et 50 000 signes. Parce que c’est un peu comme une récréation. Une pause créative où je peux jouer sans enjeu, tester des trucs, m’amuser.

Conclusion après tout ça : non, le format court n’est pas du fast-food. C’est pas de la lecture « au rabais » ou une version dégradée du roman. C’est pas un truc qu’on fait en attendant d’écrire un « vrai » livre.

C’est du sushi : petit, précis, et parfois… mortel 🙂

Allez, sur ce, lisez. La taille on s’en fout. Juste lisez. Et kiffez 🙂

À bientôt !

Lilian.

Lilian Peschet
Lilian Peschet

Auteur de SF/Polar/Thriller

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