Théorème vivant – Cédric Villani

– Quarante sept plus vingt huit ?
– Je…
– Et pour ce titre, soixante dix multiplié par deux cartons virgule sept !
– Je…
– Dis donc ianian, si t’es pas foutu de compter, inutile de nous aider hein !
Hum… Faut peut-être que je recadre : suite à des problèmes divers et variés, je me suis retrouvé dans un petit village de presque-normandie (oui, presque), à compter des palettes de livres pour un éditeur moldave malchanceux, mais très sympa.
Pardon ? Ah oui, le mec qui parle plus haut. Julien M. Comme souvent dans les plans… bizarres…
Donc nous comptions les livres, et nous nous sommes aperçus qu’en fait, lui comptait, et que je séchais. Impossible d’aligner la moindre opération de tête. Était-ce la faute d’internet ? De la plasticité du cerveau (qui fait qu’on oublie plein de trucs) ? D’une onde extra-terrestre visant à nous réduire à l’état de légume pour préparer l’invasion ? (je note au passage que personne n’a tenté ce scénario…).
Well, décidé à m’en sortir, j’enflamma mon cosmos !
J’atteignis le septième sens !
Et j’attrapa Théorème vivant de Cédric Villani pour réviser les mathématiques, de l’addition, au… théorème qui est dedans.

<– Ici commence l’interview –>

Je suis allé jusqu’en DEA d’Histoire. Mes recherches se résumaient à faire face aux archives, et à en extraire un concentré d’informations, pour bâtir de nouveaux savoirs. Or, en lisant ce livre, j’ai vu la place qu’occupait Clément. Est-ce à dire que les mathématiciens sont identiques aux Seigneurs Sith, c’est à dire qu’ils travaillent toujours par deux ?

Les mathematiciens travaillent tres souvent par deux; mais a la difference des Sith, ils changent souvent de partenaire. En outre les Sith vont toujours par paire maitre-eleve (« Always two there are, a master and an apprentice »), alors qu’en mathematique on aime bien les collaborations d’égal a égal ; d’ailleurs durant notre collaboration avec Clement, il n’y a pas de rapports maitre-eleve.

« Théorème vivant », c’est un peu l’histoire d’une grossesse non ? Est-ce le premier témoignage d’une paternité de deux papas ?

« Théorème vivant » est effectivement l’histoire d’une gestation. Le premier chapitre est une fecondation — interaction feconde entre deux individus — le dernier chapitre est une naissance (publication). Mais il ne faut jamais croire que l’on est le premier !

Et pour rester sur cette métaphore, avez-vous ressenti une dépression post spartum ?

Bien sur, la depression vient apres tout projet de grande envergure.
On a beau le savoir, elle est inevitable. Ce qui compte est de savoir comment on va rebondir.

D’ailleurs, se remet-on facilement à chercher ?

Ce n’est jamais facile ! Mais on se retrouve un jour repris par le mélange classique d’excitation et de frustration.

Dans ce livre, il est question de mathématiques, mais aussi de poésie, de mangas, de musique, d’imaginaire presque. Existe-t-il un lien entre ces oeuvres, leur sensibilité, l’imaginaire, et les mathématiques ?

Dans une grossesse, l’environnement compte — ce que mange, boit, fume, respire, écoute la mère, influence le développement de l’enfant… il en va de même pour la gestation d’une oeuvre mathématique avec tout ce qui nourrit le cerveau des mathématiciens. Il importait donc d’en parler.

J’avais un professeur de mathématiques au lycée, très excentrique (on en a tous connu un je crois), peut-être un peu fou ; vous soulignez cette relation entre génie et folie.
Les mathématiciens sont-ils tous fous ?

C’est l’un des rares contresens que les lecteurs ont fait tres (trop) souvent à la lecture de mon ouvrage ; sans doute parce que c’est venu a la rencontre d’un cliché classique. Le genie n’est pas l’apanage des mathématiciens, et la folie non plus. Faites la liste de tous les fous connus dans le domaine de la création, vous en trouverez quantite (romanciers, peintres, cinéastes, compositeurs, etc. etc.) Et franchement, ai-je l’air d’un fou ?

Le cheminement de la résolution de ce théorème, les doutes, les essais, le tatonnement, l’exaltation, révèlent combien le métier de chercheur est une aventure. Êtes-vous une sorte d’Indiana Jones des mathématiques ?

On peut le dire. Mais, alors que la decouverte d’Indiana Jones ne profitera en général qu’a lui, la découverte du scientifique peut profiter a tout le monde, potentiellement.

D’ailleurs, accepteriez-vous une adaptation de votre livre, en manga ? En Blockbuster avec Russel Crowe ?

En manga, avec joie. En blockbuster, je m’en passerai.

Avez-vous pris goût à la narration ?

J’ai toujours eu gout pour la narration, je crois. Mais c’est quand même une tres forte émotion de se lancer dans un pari narratif comme « Théorème vivant ».
Mon prochain ouvrage, dans un genre different, devrait etre publie au printemps.

Vous avez dit : « en mathématique on passe énormément de temps avec les morts. » Les mathématiciens sont fans de Zombies ?

Je suis effectivement fan des Zombies, qui d’ailleurs ne sont toujours pas morts ; Odessey and Oracle est un des plus grands albums pop des annees 60.
Je vous recommande instamment la compilation « Zombie Heaven » (1997).

Cette araignée, avouez, VOUS ÊTES SPIDERMAN ! (ou vous le connaissez :))

Spiderman c’est pour le temps ou l’on est fascine par les superpouvoirs ; quand on grandit il faut passer aux choses serieuses : Batman, dont le pouvoir ne vient que de choses reelles — science et technologie (et argent, accessoirement).

Un dernier mot pour la fin ?

« Rien ne se termine (…). Rien ne se termine jamais » (les dernieres paroles de Dr. Manhattan dans Watchmen).

<– Ici finit l’interview –>

Un grand merci à Cédric de s’être prêté au jeu, et d’avoir pris du temps sur une potentielle découverte énorme (!) qui pourrait changer l’humanité (!) pour répondre à ces questions étranges.

– Dix huit fois cinquante deux ?
– Trente quatre.
– Quoi ?
– Trente quatre.
– Mais non.
– Mais si. T’avais pris en compte l’entropie ?
– …
– Et quoi, on compte ou on fait de l’à-peu-près ? Hein ? Allez, on y retourne !

 

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