Vous êtes nombreuses et nombreux à connaître ce graphique :

C’est l’effet Dunning-Kruger. Rien à voir avec Freddy. Ni Diane. Vous connaissez pas ? Je vous résumer le truc : ça correspond à l’excès de confiance en soi. Je cite : « Il s’agit d’un biais cognitif, c’est-à-dire d’une distorsion de la réalité, selon lequel la personne qui en est atteinte pense être compétente sur un sujet alors qu’elle n’a aucune qualification. L’effet Dunning-Kruger se caractérise par le fait que ces personnes sont incapables de reconnaître leur incompétence. » ( source )
Quand on regarde ce graphique, on voit qu’il concerne principalement le fait d’acquérir de nouvelles compétences, de se lancer dans une nouvelle activité ou dans un nouveau milieu pro.
On a tous senti ça en débutant un taf. On se trouve brillant, malin, novateur même, autrement dit, compétent. Puis quand on commence à le devenir véritablement, on déchante un peu. On perçoit les erreurs, la complexité profonde, les chausse-trappes (j’aime bien ce mot, il fait très donjondragonesque :)) et finalement, on fait preuve d’humilité parce que bon, on a compris que c’était vachement plus complexe que ce qu’on avait imaginé au début. Puis, dans le dernier temps, on gagne en expérience et la confiance revient à mesure qu’on enchaine les réussites.
La vous me direz : mais où veux-tu en venir ?
Et bien j’ai l’impression de vivre cet effet à chaque roman. J’ai l’idée, l’excitation, l’énergie, j’ai une fucking confiance en moi, je commence à écrire, 1/3, 1/2, 2/3. À chaque étape, je relis ce que je fais. Jusqu’au 2/3, tout va bien, je suis dans la sur-évaluation, porté par mon excès de confiance. Puis, arrivé à ces fameux 2/3, la relecture change. Elle se charge de doute. Cet élément, il est vraiment important ? Ce truc fun que t’as mis là, il est vraiment utile ? Nan mais ce personnage, tu le fais réagir ainsi… really ?

(oui sur cette photo, c’est moi quand j’étais jeune)
Mon moi du présent questionne mon moi du passé sur ses choix narratifs et c’est pas toujours joli, joli. Là, le rollercoster de l’écriture redescend vitesse grand V vers la « vallée de l’humilité » qui serait plus les « marécages de la mélancolie » ou plutôt les « marécages du doute ».
Dans ces moments là, je poursuis le travail. Comme je peux. Car je sais qu’au bout d’un moment, mon moi du futur qui se trouve dans la troisième partie de la courbe, est serein. Il a confiance. Et surtout, il a la confiance de mon éditrice. Il nous regarde, mon moi du passé et celui du présent, il pose ses mains sur nos épaules, plonge son regard dans les notes (à tour de rôle hein, parce que sinon ça le fait loucher) et il nous balance quelques paroles rassurantes et encourageantes que je ne vous écrirai pas ici, parce qu’il n’est pas encore arrivé. Et après ça, nous pouvons tous finir ensemble le manuscrit et nous le rendons, pour vivre un autre moment effroyable, mais ça, c’est une autre histoire.
Pour en revenir à la courbe, je me situe actuellement dans les marécages du doute. Mon moi du futur n’est pas encore arrivé. Je relis mon manuscrit pour le consolider et j’engueule mon moi du passé, avec cette désagréable impression d’avoir écrit de la merde.
Mon moi du futur se fait attendre.
Du coup j’avance pas vite. Je procrastine. J’écris un article plutôt que bosser…
Bon… l’article est terminé, j’ai plus d’excuse… Je vais poursuivre ma relecture…
À bientôt.
Lilian