J’ai peur des IAs

En ce moment, je corrige mon prochain roman et le soir venu, pour me reposer la tête, j’effectue ma veille via mon client rss et mes podasts préférés (dont techcafé). On y parle souvent d’IA et jusqu’à maintenant, je suivais ça avec un intérêt un peu lointain. J’avais tord.

Les technobros vantent ses opportunités. Les technofascistes se frottent les mains en imaginant des dyspoties plus pires que les miennes. Les technogaucho se demandent à quoi ressemblerait une IA woke. Les technophobes veulent éteindre les serveurs. Et moi dans tout ça ?

Bin j’ai voulu faire un point hier soir.

On a donc des IAs qui génèrent des images, des vidéos, des musiques, des plans, des textes, des voix, etc etc.

J’ai commencé comme tout le monde par chatGPT. J’ai voulu la challenger pour voir notre interaction et ce que pourrait donner un brainstorming avec elle. Pour le fun, j’ai pris un projet de roman que j’ai en tête depuis un momment et sur lequel je bute. Elle s’est prêtée au jeu – forcément, et avec une rapidité déconcertante. Résultat : des propositions, pas toujours pertinentes, qui se corrigent à mesure que les prompts s’affinent et que l’échange dure. Au bout d’un moment, je suis parvenu à élaborer un plan satisfaisant mais…
Mais.
J’y reviendrai.

Pour poursuivre, je lui ai demandé si elle connaissais le système YZE. Réponse positive. J’ai donc retravaillé mon jdr homemade Ghostbusters et ses apports ont été bluffants. Quoi qu’étrange parfois.

Là, des potes m’ont dit que l’importance était de charger le prompt avec précision. Pour cela, ils m’ont conseillé d’utiliser Perplexity. Une sorte de neogoogle. J’ai donc demandé à cette dernière de me lister les équipements utilisés par les ghostbusters, puis j’ai demandé à la première de reprendre ce listing pour y ajouter les caractéristiques du système YZE.
Résultat flippant.

Ces potes m’ont aussi dit : chatGPT c’est bien pour les plans, mais Mistral est meilleur pour la génération de texte. Alors ça tombe bien, je me suis dit : hors de question de lui faire écrire une partie de mon roman mais… je dois maîtriser une partie de jdr en fin de semaine. Pourquoi ne pas lui faire écrire un monologue un peu triste d’un survivant à l’apocalypse zombies. Prompt un peu bref, le texte apparait, je le lis et..

Cela fait maintenant des années que le monde a changé. Les rues autrefois animées ne sont plus que des cimetières à ciel ouvert, hantés par les échos des cris et des pleurs. Chaque jour est une lutte pour la survie, une bataille contre les morts-vivants et contre soi-même.

Je me souviens encore du premier jour où tout a basculé. Les informations parlaient d’une épidémie inconnue, puis les premiers cas sont apparus. Les gens tombaient malades, mouraient, et se relevaient… différents. Affamés. Monstrueux. Le chaos s’est installé si vite que personne n’a eu le temps de comprendre ce qui se passait.

J’ai perdu tant de proches. Mes voisins, mes amis, ma famille… Chaque visage que je croise dans mes souvenirs est un fantôme du passé, une douleur lancinante qui ne s’estompe jamais. Je revois encore le regard vide de ma sœur, transformée en l’une de ces créatures. J’ai dû… j’ai dû faire ce qu’il fallait. Mais le poids de ce geste me hantera à jamais.

Les nuits sont les pires. Le silence est assourdissant, seulement brisé par les grognements lointains des zombies. Chaque bruit me fait sursauter, chaque ombre me rappelle les horreurs que j’ai vues. Je dors peu, toujours sur le qui-vive, prêt à fuir ou à me battre. Mon corps est marqué par les cicatrices des combats, mais ce sont les blessures invisibles qui me font le plus souffrir.

Il y a des choses dont je ne parle jamais. Les choix impossibles, les sacrifices inhumains. J’ai vu des gens devenir des monstres, non pas à cause du virus, mais par désespoir et par peur. J’ai fait des choses dont je ne suis pas fier, des actes nécessaires pour survivre, mais qui me rongent de l’intérieur. Ces souvenirs sont enfouis profondément, mais ils ressurgissent toujours, comme des spectres venus me tourmenter.

Ce monde est devenu un enfer.

Franchement, c’est assez bluffant.

Ensuite je me suis dit que je pouvais faire lire ce texte par un générateur de voix, histoire d’avoir un témoignage à diffuser à mes joueurs, un truc pour l’ambiance qui viendrait en renfort de la musique. Je me suis dont retrouvé sur Elevenlabs.
Malgré des tests intéressants, je n’ia pas réussi à trouver une voix assez grave et lourde pour interpréter ce texte. L’outil d’ailleurs n’interprète pas, il lit. L’intonation s’est avérée assez neutre, plutôt informative, mais je ne doute pas qu’elle évoluera. Ainsi vont les choses.

Enfin, j’ai testé NotebookLM. Dans un premier temps, il s’agissait de retrouver des détails dans un livre. Par ex qui a dit ça ? Où s’est passé ce truc ? etc. Évidemment, l’IA a un peu hallunicé, mais assez peu. Quand je lui ai demandé un résumé ou de décrire l’évolution d’un personnage, j’ai été surpris.

Pi j’ai vu cette option incroyable : Faire un podcast. J’ai cliqué dessus. Pareil : quelques âneries, une phrase un peu conne (« les flingues sans sommation »), mais la qualité des voix, les hésitations, les respirations, c’était terriblement bluffant. Vous me croyez pas, écoutez plutot (le podcast traite de releek – prononcé relèque, c’est marrant) :

Tout ça pour dire quoi ?

Que tous ces outils me font flipper. Clairement flipper. Ils frappent là où ça fait mal, mais sans doute parce qu’ils ont été conçu par des gens qui ne pensent qu’au fric. Je m’explique. Une démarche artistique ou créative, est constituée de deux morceaux distincts :
le processus (le chemin ou l’acte de création) profondément intime qui nous permet, en tant qu’humain, de vivre une expérience qui va nous confronter à des difficultés et qui va nous amener à nous améliorer, à faire chemin dans cet art, juesuq’à la création d’un truc.
le patrimoine, qui est l’exploitation dudit truc. Sa vente, sa loc, etc.

Les IAs tapent sur le patrimoine. Elles viennent produire vite fait des trucs pas ouf mais suffisamment quali pour être exploitables et donc priver les créa/artistes de la partie « thune ».

De là à dire qu’il nous ne restera qu’à nous trimballer sur les marchés avec nos cartons de livres certifiés sans IA, à côté des sculpteurs de santon, des artisans parfumeurs et des gars qui font de la vaisselle en terre, il n’y a qu’un pas que je sens venir. Vraiment.

Qu’en conclure ? Vous je sais pas, mais moi j’ai peur. Peur d’un avenir où les boulots paieront pas. Où les boulots seront de nourrir ces outils pour pas qu’ils se merdifient. Où pratiquer un art et créer sera un acte passéiste, un peu inutile, sans conséquence autre que se faire plaisir.

Ouais, j’ai peur.

Ah oui, j’ai abordé le problème du brainstorming avec chatGPT. Et bin l’outil va trop vite. Il propose trop. Il empêche toute intériorité. L’enchainement des échanges perd en profondeur. Il m’a fait construire une trame narrative que je n’aurai jamais pu inventer seul. Mais cette trame, elle ne me ressemble pas. Elle n’est pas de moi. Et quand je la lis, je trouve que ça se voit.
Mais à force de piquer mes bouquins pour se former, d’inspecter mes réseaux sociaux, de contempler mes sorties en ligne (jusqu’ici), combien de temps va s’écouler avant qu’elle me profile et me propose des trucs plus personnels ?

Je flippe.

Adieu.

Lilian.notia

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