Les coulisses des web séries

– Tu as accompli ma masterclass.
– Oui sensei Werber.
– Tu es maintenant un ninja werberien.
– Oui sensei.
– Et pour autant, tes écrits sont toujours aussi nazes.
– Oui sensei.
– Et tu rêves toujours de gagner de la thune avec ta créativité.
– Oui… sensei.
– Tu rêves jeune padawan. Plus personne ne lit. Comment espères-tu faire de l’argent si tu n’as pas de clients.
– C’est vrai sensei…
– Faire quelque chose qu’on aime, c’est important, mais il faut s’adapter. Que font les jeunes aujourd’hui ?
– Je… J’en sais rien sensei. Je suis vieux…
– Ils regardent des putains de lolcat sur le net. Ils matent sur leur téléphone des saloperies de vidéos virales. Tu veux les atteindre, propose leur un truc à leur portée !
– Des lolcats sensei ?
– Des web séries.
– C’est censé, sensei.
– Allez, fonce au stage 2, poursuis ta quête. Suis la colombe !
– Elle retourne au village sensei !
– L’oiseau en s’en moque. Suis la rivière.

affiche_webseries_01Je suis donc parti, laissant mon maitre et ses noix de cocos qu’il me lâchait sur le nombril avec une certaine délectation, pour remonter la seine (oui, mon maître habite une délicieuse bicoque normande), pour arriver enfin sur le lieu maudit…
En chemin, je me suis quand même renseigné pour savoir comment j’allais être mangé.
Renseignements donc : sur le oueb
Et Renseignements sur le papier virtuel imprimable.

Programme ambitieux. Prometteur. Animé par un nain chauve. J’aime les nains chauves.

Après treize jours de marche, traversant des bois détrempés, des champs de betteraves ramassées, fuyant les paysans gros et bourrus de ces régions frontalières, et me mêlant à la foule des tout maig parisiens, habillés avec des fringues valant deux mois de salaire, je finis par atteindre la cour (court ? cours ?) du Roi Arthur… Ou le vaisseau spatial des web séries : la citée des sciences !
Tadam !

2014-07-12 14.05.18Effort notable, malgré la défaite de l’équipe de jeunes gladiateurs (tu aimes les jeunes gladiateurs ?) aux derniers jeux face aux moins jeunes barbares teutons (tu aimes les moins jeunes barbares teutons ?), les drapeaux n’étaient pas en Stéphane Berne. Encouragement ultime, j’accomplis les derniers pas en me disant que « ouais putain ! les web séries sont l’avenir du futur de la France ! »

Même si j’arrive à la bourre.

La citée des sciences, c’est un truc grand, spacieux, un poil bordélique. Trouver le carrefour numérique, c’est fastoche. Y a qu’à suivre les affiches, avec des flèches dessus.

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Du coup je me retrouve dedans, sauf que y a personne… Vide…

L’évènement est-il annulé ?
Non, des jeunes.
Hum, je n’ai pas parlé à un jeune depuis presque vingt ans… Je le suis. Je lui fais peur. Il fuit. Tant pis. Je reviens sur mes pas.
Là, une autre affiche indique de se rendre à l’auditorium. Décidément, le chemin des web séries est parsemés d’embûches. J’arrache donc mon t-shirt, exhibe fièrement mes huit cicatrices (ouais c’est pas Hubert Reeves qui m’a fait la grande ours), je me dirige vers les escalators qui n’escalatent pas…
– AAAAAH tatatatatatatatatatatatatata !
Malgré l’explosion de ces points vitaux, l’escalator ne réagit pas.
– T’es balaize, lui dis-je.
Tant pis, je prends un escalier. Je remonte et là, l’auditorium. Panneau à gauche. A droite. Mais je ne vois pas la porte d’entrée. Je contourne, détourne, retourne… Vache ! L’auditorium s’est planqué. Technique ninja bretonne bien connue (notre village normand est en guerre contre les villages ninjas bretons depuis deux cent ans, une sombre histoire avec Cochonimaru…), j’improvise :
– Calva bushi non jutsu !
La porte est derrière un mur et les flèches indiquent une fausse direction.
– Ha ha ! Je suis trop fort !
Certes, l’auto-motivation peut paraitre ridicule, mais un ninja l’utilise souvent pour se surpasser.
Franchissement de porte, roulé boulé, me voici assis sur un strapontin. Devant moi, les maitres.

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A gauche, le nain chauve.
Rapide comme l’éclair, il se lève pour me saluer (d’où la photo floutte).

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Le nain chauve est petit. Très petit. Depuis l’histoire du maitre des 5 pics (grand père de maitre Yoda), tout le monde se méfie des petits.
– Une web série, c’est pas une histoire de taille.
Ok, c’est dit.
– Une web série, reprend-il, c’est d’abord et avant tout du bordel. Et du bonheur. Et du bordel. Du bonheur bordélique.
L’Empereur Sith présent dans la salle (si si, au milieu là), acquiesce. J’apprendrai plus tard qu’il prépare une web série sur une chaine impériale : « Mimi Mordor, le Sith gardien ». Tout un programme. A sa gloire.

2014-07-12 14.29.59Le cours se poursuit.
– Une web série, c’est une bande de pote, du temps, de l’amour, des hommes nus. Mettez-vous tous à poil.
Tout le monde a comme un doute.
– Je déconne, conclut le petit maitre, sur un ton qui laisse entendre que non, il rigolait pas.
Il sait gérer les bides. Pas mal.

Les autres maitres assis à ses côtés parlent peu. En même temps, ils sont tous d’accord. La web série, c’est l’avenir. Mais c’est aussi le passé : les canaux commencent à être saturés, mais ils estiment que tout le monde aura sa place. Jeune comme vieux. Du coup, je comprends : ils construisent un village virtuel, un village qui ne serait ni breton, ni normand, un village 2.0, plein de créatifs, qui seraient prêt à en découdre avec n’importe qui.

Utopie dingue ! Mais belle.

– Les niveaux  5, rendez-vous salle des masterclass.
On ne répond même pas. On est séché par l’argumentaire. Même l’Empereur n’ajoute rien. Et Dieu sait qu’il aime la ramener.
– Vous venez à la masterclass ? lui demandé-je.
– Et comment, l’empire a besoin d’enrôler par le divertissement.
– Mais, mais, il y a déjà la guilde des écrivains, le Walrus Institute, TF1 et M6, et le président de la République qui font déjà ça…
– Je sais, répond l’Empereur. La voix des seigneurs Sith est la plus facile, la plus rapide. Du coup, tout le monde nous copie.
– Salaud d’eux.
– Comme tu dis. Et toi, tu veux basculer du côté obscur ?
– Non merci, vos soirées disco avec vos épées stroboscopiques, c’est juste pas possible.

Retour au carrefour donc. Masterclass d’écriture. Comme dis plus haut, c’est le bordel.
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Je déteste ce bras. Il me fera perdre un oeil.
Le nain chauve fait venir un de ses copains, trop speed pour être honnête.
– J’écris des sketchs, dit-il, en prenant mon temps. Le processus de création est long. Par exemple, j’ai celui où une ancienne star de la nouvelle star se suicide…
Un mec lève la main :
– C’est drôle ça ?
– Ta gueule ! Bon, j’ai un autre exemple, le truc des rêves, en fait c’est l’histoire d’un mec qui fait des cauchemars et qui rêve de son père mort au moment où il meurt.
– C’est drôle ça ?
– TA GUEULE ! Et toi Davy ?
– J’ai celui où je parle de la mort et de l’avortement où en fait, à la fin, le perso principal meurt…
– C’est drôl…
– MAIS PUTAIN TA GUEULE !
Davy se lève (il perd quelques centimètres donc) :
– Ecoute résidu de fond de capote des années 80, si tu l’ouvres encore sur le fait que ce qu’on fait c’est pas la fête, je te fais ta fête comme on te l’a jamais faite, okay ?
– Ok… Mais je suis né dans les années 2000.
– Je vais me le faire.
– Non laisse Davy, nos vidéos s’en chargeront.
– Tu as raison Flob. Où en était ? Ah oui, le scénar…. Prenez du plaisir bordélique.
– Oui, ajoute l’autre qui s’appellerait Flob, et retenez que :
– il faut faire avec ce que vous avez,
– il faut être modeste dans son scénar,
– ne pas faire trop vite du feuilletonnant (y a combien de n là ?)
– dévoilez votre univers doucement, ce qui vous permettra de le faire évoluer,
– une fois bien dedans, lancez des arches, mais pas avant,
– écrivez l’épisode 5 en premier, les premiers sont plus durs… en fait, ne faites jamais les premiers,
– si vous ne savez pas jouer, faites du comique, on vous le pardonnera
– si les mecs ne savent pas jouer, écrivez leur des personnages qui sont eux, ça sera plus naturel,
– les mecs viendront sur leur week end, leur temps libre, donnez leur du plaisir bordélique,
– ne pas tout miser sur un perso principal, parce que c’est mal,
– ne pas coucher avec canal parce que même si il vous aime, il n’aime pas ce que vous faites, il aime ce qu’il fait, et il vous demandera de le faire pour lui.
Le silence tombe sur l’assistance. Même le jeune des années 2000 ne l’ouvre plus. Je regarde hors champ pour chercher une échappatoire.
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Aucune.
– Bon, on a tout dis en quelques secondes, conclut Davy. Vous avez des questions ?
– Je…
– Pas toi non.
– Moi,
– Non plus.
– Moi, dis-je en me relevant. Je suis un ninja normand et je souhaiterai devenir l’un des vôtres !
– Ecoute, Flob et moi on est un peu comme des…
– Comme des seigneurs Sith ! lance l’Empereur.
– Non, enfin oui, comme des testicules, on avance toujours par deux. T’accueillir reviendrait à…
– A avoir une troisième burne…. dis-je.
– Ouais, voilà, y a de ça, lâche Davy.
– Du coup, ajoute le Flob, tu piges combien c’est contre-nature.
– Un peu.
– Retourne dans ta Normandie. Va battre le lait. Fait de la crème 90 % et du calvados, et laisse nous conquérir le monde.
– Vous aussi ?
– Mais tout le monde mec !

Retour en normandie, Werber tente d’hypnotiser une vache.
– Maitre, dis-je, j’ai appris plein de choses.
– Très bien, tu vas me briefer.
– Mais, vous savez tout maitre ?
– Non, j’entends que dalle à ces nouvelles technologies. Ça tiendrai qu’à moi, on serait encore avec l’ORTF divin.
– Ha.
– Allez, raconte moi tout ça, on va conquérir la Bretagne.
– Et pas le monde ?
– Le monde on s’en fout. La Bretagne, c’est notre frère ennemi à qui on doit la fermer une bonne fois pour toute.

Ps : pour aller plus loin, tu peux jeter un oeil ici, où pleins de bons conseils te seront livrés.

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