Journal de midi, TF6. Jean Pierre Pernod Ricard passe sur Kiev, Sotchi et la dernière bombe nucléaire lâchée en plein paicifique, pour s’attarder sur la poterie perpignanaise, artisanat d’art redécouvert en 1943, à l’époque où la France lui plaisait un peu plus qu’aujourd’hui, mais un peu moins que demain (tant il espère un futur azuréen).
D’un coup, le prompteur affiche des lignes imprévues. Un de ces salauds de stagiaire a réalisé un reportage sur une boutique parisienne dont Jean Pierre n’a entendu parler ni d’Eve, ni d’Adam (forcément, puisqu’elle se trouve à Paris, et lui en 1943).
Il l’annonce comme il le peut, lisant de manière automatique, avec un sourire qui aurait beaucoup plu à Orwell.
La caméra s’éteint, le reportage démarre. Comme tous les téléspectateurs, Jean Pierre observe son écran, curieux mais méfiant.
« En direct du VIIe arrondissement, nous retrouvons Pierre Arold pour nous parler de son petit commerce de proximité. alors Pierre Arold, depuis combien de temps tenez-vous boutique ?
– Depuis presque cinq ans maintenant. Mais le fond de commerce appartenait à la famille.
– Car depuis près de soixante dix ans, cette famille fait commerce de la mort.
– Tout a démarré quand mon arrière mamie a ouvert une boutique de fleurs. Dans ce quartier de petits vieux, on venait lui demander des couronnes, des oeillets…
– Et là, votre arrière grand père !
– Un géni : il a bazardé les roses, les tulipes, et tout ce qui avait une couleur trop prononcée, pour se tourner résolument vers le marché des cimetières.
– Et de là, une réussite familiale.
– Oui. Avec papa, nous avons ajouté le marché des pierres tombales, gravées, imprimées, éphémères même, un gros succès ça, avec les classiques : marbres, plaques de granit, mais surtout, avec un jeu de caractères et un jeu de couleur incroyable. Nous étions les premiers à proposer des incrustations de photos derrière. Giscard nous en a commandé une avec les volcans d’Auvergne derrière !
– Et aujourd’hui vous avez repris le flambeau.
– Oui, en ajoutant des couleurs criardes, une idée venue en regardant Damidot, et des effets pyrotechnique, j’adore Rammstein. Nous proposons même le traitement des corps, et c’est un vrai succès : la cérémonie « costumé » ! Nous en sommes arrivés au point où l’enterrement, ou la crémation, est presque une fête. C’est d’ailleurs pour ça que nous affirmons toujours à nos clients : Vous n’avez qu’une seule mort, s’agit de pas la rater !
– Et voilà, Jean Pierre, comment loin des grandes surfaces, des destinées familiales se gravent dans le marbre, si j’ose dire. Pierre Arold représente aujourd’hui un savoir faire à la française, un artisanat de quartier, une approche humaine, digne et respectueuse, en parfaite harmonie avec…
– Je vous laisse, j’ai un client à la cave qu’il nous faut déguiser en clown.
– Merci encore ! »
La caméra se rallume. Jean Pierre est toujours tourné vers le retour écran. Il n’en croit pas ses yeux, ses oreilles, sa moumoute. En bon professionnel, il se redresse, réactive son cerveau et embraye sur cette histoire de chien qui aurait sauvé un bus scolaire, dans un petit village des Hautes Alpes.
Pourtant, alors qu’il cherche à larmoyer pour faire vibrer le téléspectateur, il brûle intérieurement : il retrouvera ce journaliste, et lui pètera une dent. Sûr, au moins une !
Faut il le lire ?
La petite mort est un album à la réalisation impeccable. Voilà pour la forme.
Pour le fond, l’idée originelle est géniale. On retrouve ce qui fait la force de l’auteur : touchant et dépression (mais entre amis hein). Par contre, le tome est inégal : les idées fusent du très bon au moins bon. J’imagine qu’être drôle tout le temps doit être dur, m’enfin quand on est dépressif, on a déjà la moitié des armes qu’il faut pour être drôle 🙂
Au final c’est une bonne bd, peut-être expérimentale (avec une transposition web / papier qui fait parfois bizarre, des fausses pubs qui n’apportent pas grand chose), qu’il faut lire pour motiver à l’auteur à sortir un second volume plus dense, plus profond, ô oui, plus profond.