Homo superior 3

## Avertissement : ceci est une fiction fictionnelle, sauf pour les parties véridiques. Fan, kiffez ! (ou pas) ##

Rappel de l’épisode précédent :
Je suis né à Melun. Génial hein.
Sur le parking des profs du collège, on parlait du Lycée avec des potes en sirotant des binouzes. Là, y a un truc enflammé qui est tombé sur le parking. Y a eu un fracas énorme, les bagnoles des profs ont explosé.
On a été soufflé. Moi surtout. J’ai roulé et je suis venu m’encastrer dans un lampadaire. La douleur m’a tout brouillé, mais ce que je me souviens, c’est qu’un mec s’est posé à côté de moi. Il portait des bottes rouges et un pantalon moulant de gymnaste. Il a posé sa main sur moi et après y a eu comme une chaleur.
— Madame, monsieur, nous avions encore quelques doutes, aussi nous avons vérifier le code génétique de votre fils.
Et la conclusion :
— Le super coup de main qu’il a reçu a modifié son génome.
Maman a conclu la scène en venant m’embrasser.
— Mon fils, un super héro.
Puis on a eu rencard chez le drill :
– Vos choix d’école sont à revoir. Avec votre nouveau… statut, vous devez rejoindre une école spécifique. À Melun, il n’y a que deux établissements qui disposent de ce type d’encadrement : le lycée Jeanne d’Arc et Léonard de Vinci.
– Jeanne d’Arc est privé, a dit papa.
– Alors Léonard de Vinci.
Là bas, y avait des potes, qui par solidarité ont loupé leur Bac pour rester avec moi.
Pi y avait elle.

*
* *

Elle.
Donc.
Avant de parler d’elle faudrait que je parle du bac super. Vite fait parce que c’était loin d’être hyper marrant, ni hyper intéressant.
C’est une filière qui à l’origine a été instaurée juste après la guerre 39 45. Je sais jamais si faut mettre un tiret, un slash ou juste un espace entre 39 et 45. On va dire que l’espace ça le fait. Donc, juste après la guerre 39 45. Pourquoi dès cette date ? Parce que pendant la guerre, en utilisant les techniques secrètes américaines, qu’on appelait la super médecine, l’état français avait créé des super soldats. Des mecs avec des pouvoirs variés qui combattaient les nazis, nazis qui eux aussi avaient leurs propres super soldats. Au final, la guerre comme on l’apprend la télé n’avait rien à voir avec la réalité. Par exemple le soldat Ryan, le film, c’est tiré de faits réels, sauf que le soldat Ryan était un super soldat qu’on avait envoyé pour une mission d’infiltration. Il fallait le récupérer sans quoi les nazis l’auraient étudié et auraient pigé comment on fabriquait nos super soldats à nous. Ils auraient du coup pu les détecter et les massacrer plus facilement. Nan parce que y avait une guerre secrète qui avait lieu entre les super des deux camps et du coup, y avait des prisons de super nazis en Angleterre, des labos aux USA, et des camps de super concentration en Pologne… Enfin bref, après tout ce bordel, la paix est revenue et les super soldats ont des super enfants. Et pour s’occuper de ces enfants, il a fallu mettre en place des écoles, former des instituteurs, et instaurer une police spéciale pour les super. Parce que ces gosses étaient ni meilleurs ni pires que les autres, du coup, certains partaient en couille. Mais c’était pas trop méchant. Ça s’est vénère avec la guerre d’Algérie. Parait que des super ont rejoint les deux camps, y a eu des tortures, des massacres, et certains même se retrouvèrent dans l’OAS. Au petit-Clamart, l’histoire raconte que Charles a failli y passer, que la DS roulait sur ses pneus crevés, qu’elle a essuyé deux cent tirs – avec genre moins de vingt impacts – et que Boissieu réussit à emmener le Président à l’aéroport de Vélizy-villacoublay. Moins de vingt pour deux cent. Personne ne trouve à y redire, mais bordel, les mecs étaient des militaires et ils tiraient sur une voiture dont les pneus étaient crevés. Vingt pour deux cent. C’te blague. Dire que y en a qui gobent ça. Les cons ! En vérité, y avait des supers dans les deux camps. Parait qu’y avait trois balanceurs d’énergie côté OAS et deux invulnérables côté président. Y avait aussi un speeder. C’est lui qui a pris De Gaulle et l’a amené à l’aéroport.
Là, sur le bitume de l’aéroport, De Gaulle s’est vénère et a demandé à ficher tous les super de France. Perso je le comprends, quand t’as failli y passer, que t’es encore tout stress et que le speeder t’as à moitié foutu à poil, t’as de quoi être bien furax. Et t’as le droit de balancer des conneries de ce genre.
Du coup, les super ont été fichés jusque sous Mitterrand. Y avait toujours les formations, le suivi et le flicage, mais sous Mitterrand, y a eu le Bac. 90% d’une classe d’âge de super devait l’avoir. Oui, c’est plus que pour les autres parce qu’on est des super.
Du coup, y a eu des Bac super un peu partout en France. Mais ouvert en discrétion, sous un nom ou un autre pour pas attirer l’attention.
Le Bac super standard est du genre équilibré, les coef sont proches, du coup, on peut pas avoir de grosses lacunes comme ceux qu’ont le Bac S juste avec les math. Ouais c’est une vanne. C’est parce qu’ils se racontent trop.
Y a quand même un effort certain sur l’éducation civique, la législation, les valeurs de la République et tout le toutim, histoire que l’expérience de l’OAS se reproduise pas. Mais malgré ces efforts, parait que y a des super au front national. Je l’ai déjà dit, les super sont comme les autres : ni pires, ni meilleurs.
Bref, donc on suit des études de super, quand on est détecté super.
Y en pour qui c’est depuis la naissance, et c’est genre facile pour eux, enfin j’imaginais. Pi y en a comme moi pour qui ça leur tombe sur le râble, alors qu’ils ont rien demandé.
Elle, ouais j’y reviens à elle là maintenant tout de suite, elle était du genre depuis « la naissance ». Mais bizarrement elle s’y était pas faite. C’est chelou parce que ça me faisait penser à une aveugle de naissance qui refuserait le fait d’être aveugle, alors qu’elle aurait connu que ça. Du coup je trouvais pas ça logique. Et en même temps, quand je parlais avec elle, je la trouvais pas logique. Logique donc qu’elle soit pas logique ni dans ses paroles, ni dans son comportement ou sa psychologie.
Elle donc.
Pourtant elle dégageait un truc, chai pas, un truc différent des autres. Dans la classe y avait d’autres nanas, plus normales, plus jolies, mais elles avaient son truc. Ce truc qui faisait qu’elle hypnotisait les mecs, tout en leur foutant les pétoches. C’est si loin aujourd’hui que je trouve pas les mots, mais c’est l’idée.
Je me rappelle qu’elle se baladait toujours ses cheveux roux détachés, que son casque de walkman coupait au milieu de son crâne, les écouteurs lui recouvrant entièrement les oreilles. Elle portait toujours ce machin, elle écoutait tout le temps de la musique, toujours. Des trucs de bourrins. Du hard bien hard. On entendait les cris des mecs au travers de la mousse des écouteurs.
En cours, elle avait toujours l’air de se branler de tout. Elle mâchouillait son chewing-gum, l’air de rien, elle tendait à peine l’oreille, puis aux contrôles, elle se tapait des seize, des dix sept, genre facile, genre trop easy les études, alors que moi je cravachais pour mon douze ultime – ouais, on a le maximum qu’on a.
Elle portait des fringues normales. Des jeans, tantôt délavés, tantôt déchirés. Des t-shirts noirs, un perfecto en cuir.
Je l’observais beaucoup.
Je la suivais parfois.
Je voulais lui parler mais je savais pas comment l’aborder.
On est toujours maladroit quand il s’agit de parler à une nana, surtout quand c’est la première avec qui on veut parler pour dragouiller. Y a genre une pression interne qui rend con et fait bafouiller. Y a aussi une pression externe engendrée par les potes, les potes de la nana, la famille, qui fait qu’échanger quelques mots, c’est genre tout sauf un truc intime. Dans les premiers mots qu’on échange avec une nana à l’adolescence, y a du privé et du public. Y a donc un enjeu de ouf et donc de la peur et donc des maladresses qui augmentent la peur et donc les maladresses et la peur… jusqu’au moment où la nana sourit. Là on peut se dire que c’est gagné, on respire, on se sent toujours merdeux, mais on a moins de chance de se prendre le kaméha-rateau, celui que tes potes te rappelleront à chaque soirée, jusqu’à ton enterrement de vie de garçon.
Sauf qu’elle, elle était pas du genre à sourire. Pour ça qu’elle a pas souri.
Elle était assise sur le banc et j’étais là à quelques pas, debout comme un con, sans oser la rejoindre, mais ne voulant pas me casser. Elle m’a regardé. Je l’ai regardé. Elle a soupiré. J’ai inspiré. J’allais faire un pas pour la rejoindre quand elle a levé la main, elle m’a pointé du doigt. Elle a fait semblant de tirer. J’étais mort. De trouille. Elle me prouvait que j’existais pour elle, qu’elle avait conscience de moi et que… je sais pas, pourrait y avoir une connexion.
Elle s’est levée, elle est venue me rejoindre. Elle a tiré de son perfecto une petite bouteille qu’elle m’a tendue. J’en ai bu une gorgée. Le truc m’a défoncé la gorge. Puis l’estomac.
– C’est quoi ? que j’ai dit.
Elle m’a pris la main et s’est mise à courir. Je la suivais, heureux. On a couru jusqu’à la place Saint Jean, on a pris la rue piétonne, on a tourné et on est passé devant le Descarte. On a poursuivi face à la mairie, puis devant la librairie, je pigeais pas où elle voulait m’emmener. Puis d’un coup, elle a tourné à droite, s’est arrêtée devant un distributeur de monnaie et elle a transformé son poing en une sorte de magma flamboyant.
Elle a punché l’appareil, elle l’a traversé, puis elle a calmé son pouvoir. Elle a tiré des entrailles encore fumante une liasse de billets et m’en a filé un peu. Direct dans la poche de mon pantalon.
Elle a attrapé le col de ma veste et elle a tiré dessus pour m’embrasser.
Je me suis laissé faire.
J’ai senti la violence de l’alcool dans sa bouche. La folie de son pouvoir. Et un désespoir destructeur.
Je connaissais pas les super. Je savais pas qu’ils pouvaient vivre ça si mal.
Quand elle a retiré sa langue de ma bouche, je sais pas, j’avais comme envie de la plaindre.
Elle s’est retournée et s’est remise à courir, direction la rue piétonne.
Elle me laissait seul, comme un con.
Elle.
Voilà, c’était elle.
Pour en parler fallait que je pose un peu le décor.
La suite ?
Rien entre nous.
Parait qu’elle a mal fini.
De mon côté, j’ai eu mon Bac cette seconde fois. Mention passable. En même temps, c’était toute mon ambition que de le passer.
Après, J’avais le choix entre des filières type super Fac, avec des DUT, des DEUG, et des trucs chez les normaux, qu’un de mes potes, Alassan, appelait les pas-super. Elle me faisait rire cette vanne : Elle était comment la nana ? Pas-super. Le prof ? Pas-super. Les mecs au foot ? Pas-super. Une vraie punch line dans sa vie.
Je reviens à l’orientation, le grand truc que je comprendrais jamais, parce que j’y connaissais rien, je savais pas ce que je voulais faire et que j’avais l’impression que mon choix allait genre niquer ma vie de manière irrémédiable, alors j’ai fait comme tout le monde : j’ai pas choisi. J’ai pris la Fac pas trop loin, pour pas être trop emmerdé. Direction Evry.
Quand je me repenche sur ces années, je regrette d’avoir eu aussi peur. Si j’avais fait preuve d’un peu de courage, pas beaucoup, juste de quoi dire « hey, c’est cette nana que je veux » ou « hey, c’est ce truc que je veux étudier », j’aurai sans doute eu une vie différente.
Mais ainsi va la vie. Entre choix et pas-choix.
Le tout après c’est d’assumer.

4 réflexions sur « Homo superior 3 »

  1. Salut,

    Une ‘tite coquille : Au petit-clamart, l’histoire raconte **que que** Charles

    Sinon, comme dit sur twitter. J’aime beaucoup.
    Le ton et le rythme me rappelle « little brother » de Doctorow que j’ai adoré. Là, il y a un côté fantastique en plus. Je ne sais pas trop où tu vas nous mener, j’aime 😉

    ++

    Fred.

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