La fin de l’écriture – Courrier international

J’attendais à la sortie d’une école maternelle… pour une raison que vous n’avez pas à savoir, lorsqu’un spectacle étrange me tira de mes plans machiavéliques : les enfants, tout sourire, sortaient de cette institution scolaire avec des tablettes informatiques dans les mains.

Sur le coup, j’eu peur. Je me demandai si l’invasion des profanateurs-violeurs-de-tombes-alors-qu’il-n’y-a-pas-de-tombes avaient eu lieu, ou si, apocalypse bien plus effrayante, les geeks s’étaient génétiquement reproduits avec des modifications que dame nature réprouve (rappelons à cet égard que le Néanderthalus numéricus, l’un de nos ancêtres qui avait appris à compter en base 5 avec des cacahouètes, a bien été massacré par le Néanderthalus bûcheronus, cousin du premier, violent et stupide, gros et plus fort).

Intrigué, j’interpelai un père de famille :

– Holà parent isolé et sans travail (car qui peut se trouver à la sortie de l’école à 15h15 – avec les nouveaux horaires – en dehors des chômeurs longue durée), qu’est-ce donc que ces outils high tech dans les mains de ses sagouins ?

– Pardon ?

Le bougre ne parlait pas ma langue. Je passai par l’interface de traduction de mon iPhone :

– Pourqua cé’ti cé gamins ont unte tableau dans esse pattes ?

– Vous me faites peur monsieur.

Un problème de région dans la configuration de mon traducteur…

– Pourquoi qu’ils ont des tablettes.

– Ce sont les nouveaux outils pédagogiques d’apprentissage.

– Mais, repris-je, est-ce à dire que les enfants ne dessinent plus avec leurs petits doigts ? Qu’ils ne se servent plus de leurs mains ? Pire, qu’ils ne vont plus apprendre à écrire ?

Cette dernière question étant appuyée par un coup de tonnerre tonitruant, suivi de peu par l’arrivée d’une myriade de nuage, très willowienne.

– Effectivement, me répondit le père de famille, aux États Unis, nombre d’état on retiré l’écriture cursive de leur enseignement. C’est un nouveau mouvement qui est en marche, et qu’on retrouve en Inde, en Chine, et Suède même. L’avenir du futur est le clavier. Pas le stylo.

Je posai mes mains sur mon visage, horrifié par les propos tenu par cet hurluberlu.

– Non mais, l’écriture cursive est fondamentale ! m’écriai-je.

– Pourquoi ? Plus personne n’écrit. Ce n’est plus un moyen d’expression. Et même, suite au mouvement suisse anti-chèque bancaire, l’écriture ne sera même plus un moyen de paiement. L’écriture ne sert plus à rien. Autant ne plus l’enseigner. Vous imaginez si on devait enseigner des trucs inutiles à nos enfants, comme genre, Pythagore…

– On l’apprend ça.

– Thalès ?

– On l’apprend aussi.

– Le marxisme ?

– En classe éco, oui.

– Bref, vous avez pigé.

– J’ai « pigé »…

Je considérai les propos de ce gars et m’interrogeai sur mes derniers écrits. Ce n’était pas une carte postale de vacances (j’avais balancé quelques sms débiles), ni une carte de voeux (les réseaux socio servant aux anniversaires), ni une lettre à un ami ou à une quelconque administration (tout se passait par mail). Non, je n’avais pas écrit depuis des années.

Une peur incontrôlable, irrationnelle, me saisit. J’attrapai un de mes kleenex, me mordis le poignet, et avec le sang qui coulait, j’écrivis avec peine « Bonjour ».

– Je sais encore écrire, soufflé-je, rassuré.

Le père de famille avait fait quelques pas en arrière.

– JE SAIS ENCORE ECRIRE ! lui criai-je.

Le père s’enfuyant cette fois, les enfants présents se mettant à pleurer, le corps enseignant se réfugiant dans l’école, craignant un mass-murder à l’américaine.

Devant tant de réaction négative, je décidai d’en rester là. Je pris le chemin de la maison, fermement décidé à passer plusieurs heures par jour à rédiger des lettres anonymes aux impôts, histoire de retrouver mon aisance à l’écrit.

 

Données techniques

 

De quoi ça parle ?

 

Après avoir lu ce billet, si vous n’êtes pas trop trépané, vous avez compris qu’il s’agit de la disparition de l’écriture cursive (notez que la couverture du journal vous aide un peu).

 

Faut-il le lire ?

 

Il y a longtemps, j’avais eu une claque en découvrant que l’apprentissage de la lecture et de l’écriture pouvait être dissocié. En fait, il s’agit de deux apprentissages distincts, l’un, pouvant se faire sans l’autre (même si apprendre à écrire sans savoir lire, pose des putains de problèmes pour se relire…).

Cette fois, il est question d’apprendre à lire et à écrire mais sans recourir à l’écriture cursive (aux lettres qui se relient). Certains diront, écrire en caractères d’imprimerie n’a jamais tué personne. Sans doute. Encore que, faudrait vérifier dans les 357 saisons des experts en Ardèche.

Mais, l’idée va plus loin puisque certains états américains ne vont même plus enseigner à écrire à la main. Le tout-clavier. Je ne suis pas un pro du développement cérébrale, je n’ai aucune idée des répercutions que ça peut engendrer, et je n’ai comme comparaison que l’éducation / instruction que j’ai reçu, mais en tant qu’individu, je suis un poil choqué. Je me dis (le sf-man en moi s’exprime là) que si un black out devait surgir, on serait pas dans la panade avec ces générations full clavier. D’autant que le clavier pourrait disparaitre d’ici quelques années.

L’écriture manuelle est-elle comme la chasse aux cerfs avec un arc ? C’est à dire une compétence totalement dépassée ?

Je ne sais pas trop quoi en penser.

Je suis perplexe.

Finalement, je suis peut-être déjà un vieux con.

2 réflexions sur « La fin de l’écriture – Courrier international »

    1. Les évolutions doivent toujours faire bizarre à ceux qui les subissent. Les gamins qui n’apprendront pas trouveront ça naturel. Mais en cette période où l’on vante sur M6 l’éducation des années 50 (si je me gourre pas), c’est plutôt intéressant de regarder l’avenir du futur de l’enseignement. Même si ça fait un poil flipper.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.