J’ai tenté de lire Damasio. Ce n’est pas la première fois et… peut-être que ce sera la dernière cette fois : je n’arrive pas à me faire à sa gestion de personnage, à son style, à sa manière de nous présenter son univers. Pourtant, j’apprécie l’auteur, chaque interview me réjouit, me fait rire ou réfléchir, c’est selon, mais on oeuvre, son oeuvre… Je n’y arrive pas.
C’est donc en reposant Les furtifs, que je me suis retrouvé chez le libraire pour acquérir n’importe quoi qui pourrait me redonner un peu d’air. Et là, surprise, je tombe sur D.A.R.Y.L.
D.A.R.Y.L., pour moi, c’est un vieux film de l’époque où les films étaient moches, parce que plein de couleurs délavées, où ils étaient diffusés sur des téléviseurs Téléfunken, sans télécommande, avec de gros boutons qui claquaient, et qu’on raccordait à un lecteur de disque externe nommé « magnétoscope ». Les disques externes s’appelaient des cassettes VHS et le câble HDMI de l’époque portait le doux nom de péritel.
Pour résumer, D.A.R.Y.L. date d’un temps que les jeunes ne peuvent pas connaître.
Et là donc, le livre.
Il date de 86. Pour un livre, le changement d’époque est moins impressionnant : on le tenait dans ses mains, on le lisait, tout simplement, quoi qu’on avait pas à lutter pour résister aux milliards de notifications…
L’image sur la couverture semble tirée du film. Je l’achète, par curiosité, et le lis.
Premier constat, c’est plutôt bien écrit.
Second constat, sans vouloir troller, ça me convient bien mieux que les furtifs.
Mais au sortir du livre, quelque chose me chiffonne : le livre est-il antérieur au film comme Le seigneur des anneaux ou Bilbo ou Dragon Ball, ou est-il postérieur comme… comme une novélisation ?
Le gros mot est lâché.
Novélisation, c’est le processus ingrat dans lequel on demande à un auteur ou un scribouillard de transformer un film en bouquin.
En général, je me méfie des changements de médium. Par exemple le passage d’un jeu vidéo a un film est parfois une catastrophe : Mario, Street fighter, Mortal Kombat, Sonic…
Ou le passage d’un manga au film : Dragon Ball, Ken le survivant, Death note… Nicky Larson ?
Ou le passage de roman en film : Shining ?
Bref, je check la date du film : 85.
Hum.
Je vérifie l’auteur/e/ice/te : Nancy Horowitz Kleinbaum.
Sa fiche bio sur Wikipédia annonce la couleur : « Elle a écrit de nombreuses novélisations à partir de films, dont Le Cercle des poètes disparus. »
Quand même.
Du coup, je m’interroge : comment se fait-il que ce changement de medium se soit si bien passé ? Est-ce que le fait de passer d’un film à un livre est plus évident qu’autre chose ?
Non, car plus jeune, j’avais tenté de lire la novélisation de Waterworld. Oui, plus jeune je lisais tout et n’importe quoi. Dans cette dernière, le protagoniste principal (joué par Kevin C), ne donne pas son nom pendant une bonne partie du film, peut-être pendant tout le film d’ailleurs. Ce détail signifiant pour un film, ne fonctionne pas génial à l’écrit lorsqu’il est mis en scène par un auteur un peu emmerdé par cela. Dans ce cas, cela donnait des « L’étranger », « L’inconnu », « Le gars », etc. Ambiance…
Du coup, qu’est-ce qui a fait que cette fois j’ai kiffé ?
Première explication : je n’ai pas vu le film. C’est con à dire mais comme je ne l’ai pas vu, le livre n’a rien brisé en moi. On pourrait croire que l’argument est faible, mais les films « surkiffés » pendant cette période de préadolescence, laisse en nous une marque indélébile. Il m’est impossible de lire une novélisation de Willow ou des Goonies, par exemple. Même le volume 2 de Willow m’a fait suffisamment peur pour que je fuis de la fnac en hurlant !
Deuxième explication : l’auteure est douée. Des passages entiers se déroulaient sans que je puisse détourner mon attention des pages jaunies et odorantes. J’ignorais le twist, personne ne me l’avait divulgâché comme un épisode de Game of Throne, aussi je suis tombé dans de ma chaise comme ce brave homme dans Willow qui s’écriait : « C’est pas une femme ? »
Troisième explication…
Les furtifs.
L’immersion dans une oeuvre dépend aussi de son état d’esprit. J’étais frustré, déçu, j’en voulais à son auteur, à ses gribouillages, à ses inceptions grossières comme un burin dans le crâne, et retrouver quelque chose de très différent m’a tout de suite remis sur les railles.
Au fond, je ne sais pas ce qui a été déterminant, mais je garde de cette lecture un grand plaisir.
Ce qui m’amène au point suivant : la novélisation est une arme dangereuse car autant tronquer un propos pour en faire film et apporter une vision peut s’avérer un exercice formidable, autant remplir les trous et, vraisemblablement, se retrouver contraint dans sa narration par un studio pour que le livre colle au film, est plus que casse gueule. On imagine les contraintes, les relectures, l’impossibilité de s’éloigner de l’image, de ne pas approfondir le propos, de peur de le déformer, etc.
En vrai, écrire un film doit être aussi passionnant que d’écrire un manuel d’utilisation d’une ponceuse à double vitesse…
Au final, cette brave Nancy ayant pris sur elle de s’attaquer à une oeuvre comme Le cercle des poètes disparus, me laisse penser que cette dame a/avait du talent.
Je l’applaudis et la remercie de m’avoir fait découvrir sur le tard D.A.R.Y.L.
J’imagine que suite à cet article un scénariste hollywoodien proposera à Disney de le rebooter en mode doudou, à moins que Netflix en fasse une série molle, qu’importe.
D.A.R.Y.L., je t’aime !
(Et je ne suis pas Belge…)